• Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes,
    Produits avariés, nés d'un siècle vaurien,
    Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes,
    Qui sauront satisfaire un coeur comme le mien.

    Je laisse à Gavarni, poète des chloroses,
    Son troupeau gazouillant de beautés d'hôpital,
    Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses
    Une fleur qui ressemble à mon...

  • Comme les anges à l'oeil fauve,
    Je reviendrai dans ton alcôve
    Et vers toi glisserai sans bruit
    Avec les ombres de la nuit,

    Et je te donnerai, ma brune,
    Des baisers froids comme la lune
    Et des caresses de serpent
    Autour d'une fosse rampant.

    Quand viendra le matin livide,
    Tu trouveras ma place vide,
    Où jusqu'au soir il fera froid....

  • Si par une nuit lourde et sombre
    Un bon chrétien, par charité,
    Derrière quelque vieux décombre
    Enterre votre corps vanté,

    A l'heure où les chastes étoiles
    Ferment leurs yeux appesantis,
    L'araignée y fera ses toiles,
    Et la vipère ses petits ;

    Vous entendrez toute l'année
    Sur votre tête condamnée
    Les cris lamentables des loups
    ...

  • J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime,
    Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé.
    C'est un univers morne à l'horizon plombé,
    Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème ;

    Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
    Et les six autres mois la nuit couvre la terre ;
    C'est un pays plus nu que la terre polaire ;
    - Ni bêtes, ni...

  • I

    Une Idée, une Forme, un Être
    Parti de l'azur et tombé
    Dans un Styx bourbeux et plombé
    Où nul oeil du Ciel ne pénètre ;

    Un Ange, imprudent voyageur
    Qu'a tenté l'amour du difforme,
    Au fond d'un cauchemar énorme
    Se débattant comme un nageur,

    Et luttant, angoisses funèbres !
    Contre un gigantesque remous
    Qui va...

  • I

    Dans les planches d'anatomie
    Qui traînent sur ces quais poudreux
    Où maint livre cadavéreux
    Dort comme une antique momie,

    Dessins auxquels la gravité
    Et le savoir d'un vieil artiste,
    Bien que le sujet en soit triste,
    Ont communiqué la Beauté,

    On voit, ce qui rend plus complètes
    Ces mystérieuses horreurs,
    Bêchant comme...

  • La Haine est le tonneau des pâles Danaïdes ;
    La Vengeance éperdue aux bras rouges et forts
    A beau précipiter dans ses ténèbres vides
    De grands seaux pleins du sang et des larmes des morts,

    Le Démon fait des trous secrets à ces abîmes,
    Par où fuiraient mille ans de sueurs et d'efforts,
    Quand même elle saurait ranimer ses victimes,
    Et pour les pressurer...

  • Souvent, à la clarté rouge d'un réverbère
    Dont le vent bat la flamme et tourmente le verre,
    Au coeur d'un vieux faubourg, labyrinthe fangeux
    Où l'humanité grouille en ferments orageux,

    On voit un chiffonnier qui vient, hochant la tête
    Butant, et se cognant aux murs comme un poète,
    Et sans prendre souci des mouchards, ses sujets,
    Épanche tout son coeur...

  • N'est-ce pas qu'il est doux, maintenant que nous sommes
    Fatigués et flétris comme les autres hommes,
    De chercher quelquefois à l'Orient lointain
    Si nous voyons encore les rougeurs du matin,

    Et, quand nous avançons dans la rude carrière,
    D'écouter les échos qui chantent en arrière
    Et les chuchotements de ces jeunes amours
    Que le Seigneur a mis au début...

  • Je suis la pipe d'un auteur ;
    On voit, à contempler ma mine
    D'Abyssinienne ou de Cafrine,
    Que mon maître est un grand fumeur.

    Quand il est comblé de douleur,
    Je fume comme la chaumine
    Où se prépare la cuisine
    Pour le retour du laboureur.

    J'enlace et je berce son âme
    Dans le réseau mobile et bleu
    Qui monte de ma bouche en feu,...