• C'est ici la case sacrée
    Où cette fille très parée,
    Tranquille et toujours préparée,

    D'une main éventant ses seins,
    Et son coude dans les coussins,
    Ecoute pleurer les bassins ;

    C'est la chambre de Dorothée.
    - La brise et l'eau chantent au loin
    Leur chanson de sanglots heurtée
    Pour bercer cette enfant gâtée.

    Du haut en bas,...

  • Combien faut-il de fois secouer mes grelots
    Et baiser ton front bas, morne caricature ?
    Pour piquer dans le but, de mystique nature,
    Combien, ô mon carquois, perdre de javelots ?

    Nous userons notre âme en de subtils complots,
    Et nous démolirons mainte lourde armature,
    Avant de contempler la grande Créature !
    Dont l'infernal désir nous remplit de...

  • Aujourd'hui l'espace est splendide !
    Sans mors, sans éperons, sans bride,
    Partons à cheval sur le vin
    Pour un ciel féerique et divin !

    Comme deux anges que torture
    Une implacable calenture,
    Dans le bleu cristal du matin
    Suivons le mirage lointain !

    Mollement balancés sur l'aile
    Du tourbillon intelligent,
    Dans un délire parallèle,...

  • Les cloîtres anciens sur leurs grandes murailles
    Etalaient en tableaux la sainte Vérité,
    Dont l'effet, réchauffant les pieuses entrailles,
    Tempérait la froideur de leur austérité.

    En ces temps où du Christ florissaient les semailles,
    Plus d'un illustre moine, aujourd'hui peu cité,
    Prenant pour atelier le champ des funérailles,
    Glorifiait la Mort avec...

  • Pluviôse, irrité contre la ville entière,
    De son urne à grands flots verse un froid ténébreux
    Aux pâles habitants du voisin cimetière
    Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.

    Mon chat sur le carreau cherchant une litière
    Agite sans repos son corps maigre et galeux ;
    L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière
    Avec la triste voix d'un fantôme frileux...

  • Comme un bétail pensif sur le sable couchées,
    Elles tournent leurs yeux vers l'horizon des mers,
    Et leurs pieds se cherchant et leurs mains rapprochées
    Ont de douces langueurs et des frissons amers.

    Les unes, coeurs épris des longues confidences,
    Dans le fond des bosquets où jasent les ruisseaux,
    Vont épelant l'amour des craintives enfances
    Et...

  • Je suis comme le roi d'un pays pluvieux,
    Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux,
    Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes,
    S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bêtes.
    Rien ne peut l'égayer, ni gibier, ni faucon,
    Ni son peuple mourant en face du balcon.
    Du bouffon favori la grotesque ballade
    Ne distrait plus le front de ce cruel...

  • Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
    Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
    D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
    D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.

    Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
    Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
    Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
    Ouvrira largement ses...

  • Dans les caveaux d'insondable tristesse
    Où le Destin m'a déjà relégué ;
    Où jamais n'entre un rayon rose et gai ;
    Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse,

    Je suis comme un peintre qu'un Dieu moqueur
    Condamne à peindre, hélas ! sur les ténèbres ;
    Où, cuisinier aux appétits funèbres,
    Je fais bouillir et je mange mon coeur,

    Par instants brille,...

  • Du temps que la Nature en sa verve puissante
    Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
    J'eusse aimé vivre auprès d'une jeune géante,
    Comme aux pieds d'une reine un chat voluptueux.

    J'eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme
    Et grandit librement dans ses terribles jeux ;
    Deviner si son coeur couve une sombre flamme
    Aux humides brouillards qui...