• La Débauche et la Mort sont deux aimables filles,
    Prodigues de baisers et riches de santé,
    Dont le flanc toujours vierge et drapé de guenilles
    Sous l'éternel labeur n'a jamais enfanté.

    Au poète sinistre, ennemi des familles,
    Favori de l'enfer, courtisan mal tenté,
    Tombeaux et lupanars montrent sous leurs charmilles
    Un lit que le remords n'a jamais...

  • Ex-voto dans le goût espagnol

    Je veux bâtir pour toi, Madone, ma maîtresse,
    Un autel souterrain au fond de ma détresse,
    Et creuser dans le coin le plus noir de mon coeur,
    Loin du désir mondain et du regard moqueur,
    Une niche, d'azur et d'or tout émaillée,
    Où tu te dresseras, Statue émerveillée.
    Avec mes Vers polis, treillis d'un pur métal
    ...

  • Les amoureux fervents et les savants austères
    Aiment également, dans leur mûre saison,
    Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
    Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

    Amis de la science et de la volupté
    Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres ;
    L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
    S'ils pouvaient au...

  • A Victor Hugo.

    I

    Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,
    Pauvre et triste miroir où jadis resplendit
    L'immense majesté de vos douleurs de veuve,
    Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit,

    A fécondé soudain ma mémoire fertile,
    Comme je traversais le nouveau Carrousel.
    Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
    ...

  • Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
    Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
    Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
    Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
    Plus ironiquement accumuler les lieues
    Qui séparent mes bras des immensités bleues.

    Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
    Comme après un cadavre un choeur de...

  • Quand Don Juan descendit vers l'onde souterraine
    Et lorsqu'il eut donné son obole à Charon,
    Un sombre mendiant, l'oeil fier comme Antisthène,
    D'un bras vengeur et fort saisit chaque aviron.

    Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes,
    Des femmes se tordaient sous le noir firmament,
    Et, comme un grand troupeau de victimes offertes,
    Derrière lui...

  • A Victor Hugo

    Fourmillante cité, cité pleine de rêves,
    Où le spectre en plein jour raccroche le passant !
    Les mystères partout coulent comme des sèves
    Dans les canaux étroits du colosse puissant.

    Un matin, cependant que dans la triste rue
    Les maisons, dont la brume allongeait la hauteur,
    Simulaient les deux quais d'une rivière accrue,
    Et que...

  • Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
    Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
    Par delà le soleil, par delà les éthers,
    Par delà les confins des sphères étoilées,

    Mon esprit, tu te meus avec agilité,
    Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
    Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
    Avec une indicible et mâle volupté.

    ...

  • Mon coeur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux
    Et planait librement à l'entour des cordages ;
    Le navire roulait sous un ciel sans nuages,
    Comme un ange enivré d'un soleil radieux.

    Quelle est cette île triste et noire ? - C'est Cythère,
    Nous dit-on, un pays fameux dans les chansons,
    Eldorado banal de tous les vieux garçons.
    Regardez, après tout, c'...

  • L'homme a, pour payer sa rançon,
    Deux champs au tuf profond et riche,
    Qu'il faut qu'il remue et défriche
    Avec le fer de la raison ;

    Pour obtenir la moindre rose,
    Pour extorquer quelques épis,
    Des pleurs salés de son front gris
    Sans cesse il faut qu'il les arrose.

    L'un est l'Art, et l'autre l'Amour.
    - Pour rendre le juge propice,
    ...