• Sans cesse à mes côtés s'agite le Démon ;
    Il nage autour de moi comme un air impalpable ;
    Je l'avale et le sens qui brûle mon poumon
    Et l'emplit d'un désir éternel et coupable.

    Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art,
    La forme de la plus séduisante des femmes,
    Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
    Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes...

  • Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant.
    - Hélas ! tout est abîme, - action, désir, rêve,
    Parole ! et sur mon poil qui tout droit se relève
    Maintes fois de la Peur je sens passer le vent.

    En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
    Le silence, l'espace affreux et captivant...
    Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant
    Dessine un...

  • La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
    Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
    Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
    Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
    Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
    Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
    Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,...

  • Voici le soir charmant, ami du criminel ;
    Il vient comme un complice, à pas de loup ; le ciel
    Se ferme lentement comme une grande alcôve,
    Et l'homme impatient se change en bête fauve.

    Ô soir, aimable soir, désiré par celui
    Dont les bras, sans mentir, peuvent dire : Aujourd'hui
    Nous avons travaillé ! - C'est le soir qui soulage
    Les esprits que dévore une...

  • Blanche fille aux cheveux roux,
    Dont la robe par ses trous
    Laisse voir la pauvreté
    Et la beauté,

    Pour moi, poète chétif,
    Ton jeune corps maladif,
    Plein de taches de rousseur,
    A sa douceur.

    Tu portes plus galamment
    Qu'une reine de roman
    Ses cothurnes de velours
    Tes sabots lourds.

    Au lieu d'un haillon trop court...

  • Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
    Comme une explosion nous lançant son bonjour !
    - Bienheureux celui-là qui peut avec amour
    Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !

    Je me souviens ! J'ai vu tout, fleur, source, sillon,
    Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
    - Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
    Pour...

  • Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
    Ce beau matin d'été si doux :
    Au détour d'un sentier une charogne infâme
    Sur un lit semé de cailloux,

    Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
    Brûlante et suant les poisons,
    Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
    Son ventre plein d'exhalaisons.

    Le soleil rayonnait sur cette pourriture,...

  • Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
    Dont le doigt nous menace et nous dit : " Souviens-toi !
    Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
    Se planteront bientôt comme dans une cible,

    Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
    Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
    Chaque instant te dévore un morceau du délice
    A chaque homme...

  • Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumières,
    Qu'un Ange très savant a sans doute aimantés ;
    Ils marchent, ces divins frères qui sont mes frères,
    Secouant dans mes yeux leurs feux diamantés.

    Me sauvant de tout piège et de tout péché grave,
    Ils conduisent mes pas dans la route du Beau ;
    Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave ;
    Tout mon...

  • Il aimait à la voir, avec ses jupes blanches,
    Courir tout au travers du feuillage et des branches,
    Gauche et pleine de grâce, alors qu'elle cachait
    Sa jambe, si la robe aux buissons s'accrochait.