• Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
    Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
    Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
    Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.

    A travers la cité, comme dans un champ clos,
    Il s'en va, transformant les pavés en îlots,
    Désaltérant la soif de chaque créature,
    Et partout colorant en rouge...

  • Le poète au cachot, débraillé, maladif,
    Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
    Mesure d'un regard que la terreur enflamme
    L'escalier de vertige où s'abîme son âme.

    Les rires enivrants dont s'emplit la prison
    Vers l'étrange et l'absurde invitent sa raison ;
    Le Doute l'environne, et la Peur ridicule,
    Hideuse et multiforme, autour de lui circule....

  • I

    Dans ma cervelle se promène
    Ainsi qu'en son appartement,
    Un beau chat, fort, doux et charmant.
    Quand il miaule, on l'entend à peine,

    Tant son timbre est tendre et discret ;
    Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
    Elle est toujours riche et profonde.
    C'est là son charme et son secret.

    Cette voix, qui perle et qui filtre
    Dans...

  • Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle,
    Femme impure ! L'ennui rend ton âme cruelle.
    Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,
    Il te faut chaque jour un coeur au râtelier.
    Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques
    Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,
    Usent insolemment d'un pouvoir emprunté,
    Sans connaître jamais la loi de leur beauté....

  • Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
    Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
    Est fait pour inspirer au poète un amour
    Éternel et muet ainsi que la matière.

    Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
    J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes ;
    Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
    Et jamais je ne pleure et...

  • Quand chez les débauchés l'aube blanche et vermeille
    Entre en société de l'Idéal rongeur,
    Par l'opération d'un mystère vengeur
    Dans la brute assoupie un ange se réveille.

    Des Cieux Spirituels l'inaccessible azur,
    Pour l'homme terrassé qui rêve encore et souffre,
    S'ouvre et s'enfonce avec l'attirance du gouffre.
    Ainsi, chère Déesse, Être lucide et pur,...

  • Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
    Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois flétri,
    A la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,
    Dont le regard divin t'a soudain refleuri ?

    - Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges :
    Rien ne vaut la douceur de son autorité ;
    Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
    Et son oeil nous revêt d'...

  • Au pays parfumé que le soleil caresse,
    J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourprés
    Et de palmiers d'où pleut sur les yeux la paresse,
    Une dame créole aux charmes ignorés.

    Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
    A dans le cou des airs noblement maniérés ;
    Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
    Son sourire est tranquille et...

  • Ô muse de mon coeur, amante des palais,
    Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées,
    Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,
    Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ?

    Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées
    Aux nocturnes rayons qui percent les volets ?
    Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,
    Récolteras-tu l'or des voûtes azurées ?...

  • Viens sur mon coeur, âme cruelle et sourde,
    Tigre adoré, monstre aux airs indolents ;
    Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants
    Dans l'épaisseur de ta crinière lourde ;

    Dans tes jupons remplis de ton parfum
    Ensevelir ma tête endolorie,
    Et respirer, comme une fleur flétrie,
    Le doux relent de mon amour défunt.

    Je veux dormir ! dormir...