• Qu'est-ce que Dieu fait donc de ce flot d'anathèmes
    Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins ?
    Comme un tyran gorgé de viande et de vins,
    Il s'endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.

    Les sanglots des martyrs et des suppliciés
    Sont une symphonie enivrante sans doute,
    Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,
    Les cieux ne s'en sont...

  • Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
    " Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? "
    - Sois charmante et tais-toi ! Mon coeur, que tout irrite,
    Excepté la candeur de l'antique animal,

    Ne veut pas te montrer son secret infernal,
    Berceuse dont la main aux longs sommeils m'invite,
    Ni sa noire légende avec la flamme écrite.
    Je hais la...

  • Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
    Ô toi, tous mes plaisirs ! ô toi, tous mes devoirs !
    Tu te rappelleras la beauté des caresses,
    La douceur du foyer et le charme des soirs,
    Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses !

    Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
    Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
    Que ton sein m'était doux !...

  • Ma femme est morte, je suis libre !
    Je puis donc boire tout mon soûl.
    Lorsque je rentrais sans un sou,
    Ses cris me déchiraient la fibre.

    Autant qu'un roi je suis heureux ;
    L'air est pur, le ciel admirable...
    Nous avions un été semblable
    Lorsque j'en devins amoureux !

    L'horrible soif qui me déchire
    Aurait besoin pour s'assouvir
    D'...

  • Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
    L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur,
    Ne veut plus t'enfourcher ! Couche-toi sans pudeur,
    Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte.

    Résigne-toi, mon c?ur ; dors ton sommeil de brute.

    Esprit vaincu, fourbu ! Pour toi, vieux maraudeur,
    L'amour n'a plus de goût, non plus que la dispute ;
    ...

  • Tes beaux yeux sont las, pauvre amante !
    Reste longtemps, sans les rouvrir,
    Dans cette pose nonchalante
    Où t'a surprise le plaisir.
    Dans la cour le jet d'eau qui jase
    Et ne se tait ni nuit ni jour,
    Entretient doucement l'extase
    Où ce soir m'a plongé l'amour.

    La gerbe épanouie
    En mille fleurs,
    Où Phoebé réjouie
    Met ses couleurs,
    ...

  • Ma pauvre muse, hélas ! qu'as-tu donc ce matin ?
    Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes,
    Et je vois tour à tour réfléchis sur ton teint
    La folie et l'horreur, froides et taciturnes.

    Le succube verdâtre et le rose lutin
    T'ont-ils versé la peur et l'amour de leurs urnes ?
    Le cauchemar, d'un poing despotique et mutin,
    T'a-t-il noyée au fond d'un...

  • Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
    Des divans profonds comme des tombeaux,
    Et d'étranges fleurs sur des étagères,
    Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

    Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
    Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
    Qui réfléchiront leurs doubles lumières
    Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

    Un...

  • Dans des terrains cendreux, calcinés, sans verdure,
    Comme je me plaignais un jour à la nature,
    Et que de ma pensée, en vaguant au hasard,
    J'aiguisais lentement sur mon coeur le poignard,
    Je vis en plein midi descendre sur ma tête
    Un nuage funèbre et gros d'une tempête,
    Qui portait un troupeau de démons vicieux,
    Semblables à des nains cruels et curieux.
    A...