• Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

    Ainsi qu'un dur baron précédé de sergents,
    Il fait, pour l'annoncer, courir le long des rues
    La gelée aux doigts blancs et les bises bourrues.
    On entend haleter le souffle des gamins
    Qui se sauvent, collant leurs lèvres à leurs mains,
    Et tapent fortement du pied la terre sèche.
    Le chien, sans rien...

  • La neige est triste. Sous la cruelle avalanche
    Les gueux, les va-nu-pieds, s'en vont tout grelottants.
    Oh ! le sinistre temps, oh ! l'implacable temps
    Pour qui n'a point de feu, ni de pain sur la planche !

    Les carreaux sont cassés, la ports se déclenche,
    La neige par des trous entre avec les autans...
    Des enfants, mal langés dans de pauvres tartans,...

  • Il pleut, et le vent vient du nord.
    Tout coule. Le firmament crève.
    Un bon temps pour noyer son rêve
    Dans l'Océan noir de la mort !

    Noyons-le. C'est un chien qui mord.
    Houp ! lourde pierre et corde brève !
    Et nous aurons enfin la trêve,
    Le sommeil sans voeu ni remord.

    Mais on est lâche ; on se décide
    À retarder le suicide ;
    On lit...

  • D'aucuns ont un pleur charitable
    Pour Jésus né dans une étable.
    Je sais un sort plus lamentable

    Je sais un enfant ramassé,
    Un jour de décembre glacé,
    Nu comme un ver, dans un fossé.

    Il est nuit. Pas une voisine
    N'offre à sa grange ou sa cuisine
    A la pauvre mère en gésine.

    Malgré sa mine et son danger,
    Qui donc voudrait se...

  • Fière, vous ne voulez jamais rien recevoir
    Que des fleurs, et des plus simples, des amarantes,
    Des lilas, des oeillets, des roses odorantes,
    Toutes choses qu'on peut trop aisément avoir.

    Je vous offre pourtant, pour remplir mon devoir,
    Le cadeau que voici. Ce ne sont pas des rentes,
    Mais quelques fins tableaux d'époques différentes
    Que vous...

  • Grand'mère, fillette et garçon
    Chantent tour à tour la chanson.
    Tous trois s'en vont levant la tête :
    La vieille à la jaune binette,
    Les enfants aux roses museaux.
    Que la voix soit rude ou jolie,
    L'air est plein de mélancolie :
    Du mouron pour les p'tits oiseaux !

    Le mouron vert est ramassé
    Dans la haie et dans le fossé.
    Au bout de...

  • Dans le décor de la tapisserie ancienne
    La chatelaine est roide et son corsage est long.
    Un grand voile de lin pend jusqu'à son talon
    Du bout de son bonnet pointu de magicienne.

    Aux accords d'un rebec la belle musicienne
    Chante son chevalier, le fier preux au poil blond
    Qui combat sans merci le Sarrazin félon.
    Elle garde sa foi comme il garde la...

  • Je n'étais qu'une plante inutile, un roseau.
    Aussi je végétais, si frêle, qu'un oiseau
    En se posant sur moi pouvait briser ma vie.
    Maintenant je suis flûte et l'on me porte envie.
    Car un vieux vagabond, voyant que je pleurais,
    Un matin en passant m'arracha du marais,
    De mon coeur, qu'il vida, fit un tuyau sonore,
    Le mit sécher un an, puis, le perçant...

  • Toujours tout droit, sans rien regarder, ils cheminent.
    Les paysans hargneux de coin les examinent,
    Et les enfants poltrons se mettent sur un rang
    Pour les voir. Car ces gueux n'ont pas l'air rassurant.
    Et pourtant ils ne sont que trois, ces trouble-fête,
    Et le plus vieux des trois, celui qui marche en tête,
    N'a pas treize ans. Mais comme ils sont fauves,...

  • L'amour que je sens, l'amour qui me cuit,
    Ce n'est pas l'amour chaste et platonique,
    Sorbet à la neige avec un biscuit ;
    C'est l'amour de chair, c'est un plat tonique.

    Ce n'est pas l'amour des blondins pâlots
    Dont le rêve flotte au ciel des estampes.
    C'est l'amour qui rit parmi des sanglots
    Et frappe à coups drus l'enclume des tempes.

    C'est l...