• Sans amis, sans parents, sans emploi, sans fortune,
    Je n'ai que la prison pour y passer la nuit.
    Je n'ai rien à manger que du gâteau mal cuit,
    Et rien pour me vêtir que déjeuners de lune.

    Personne je ne suis, personne ne me suit,
    Que la grosse tsé-tsé, ma foi ! fort importune ;
    Et si je veux chanter sur les bords de la Tune
    Un ami vient me dire :...

  • Vous êtes brune et pourtant blonde,
    Vous êtes blonde et pourtant brune...
    Aurais-je l'air, aux yeux du monde,
    D'arriver tout droit de la lune ?

    Et cependant, on peut m'en croire,
    Vous êtes l'une et l'autre chose
    Comme Vous êtes blanche et noire,
    Des cheveux noire et de chair, rose.

    Mais peut-on dire dans le monde,
    La plaisanterie...

  • " Tout fait l'amour. " Et moi j'ajoute,
    Lorsque tu dis : " Tout fait l'amour " :
    Même le pas avec la route,
    La baguette avec le tambour.

    Même le doigt avec la bague,
    Même la rime et la raison,
    Même le vent avec la vague,
    Le regard avec l'horizon.

    Même le rire avec la bouche,
    Même l'osier et le couteau,
    Même le corps avec la...

  • Je ne crains pas les coups du sort,
    Je ne crains rien, ni les supplices,
    Ni la dent du serpent qui mord,
    Ni le poison dans les calices,
    Ni les voleurs qui fuient le jour,
    Ni les sbires ni leurs complices,
    Si je suis avec mon Amour.

    Je me ris du bras le plus fort,
    Je me moque bien des malices,
    De la haine en fleur qui se tord,
    Plus...

  • Dans la forêt étrange, c'est la nuit ;
    C'est comme un noir silence qui bruit ;

    Dans la forêt, ici blanche et là brune,
    En pleurs de lait filtre le clair de lune.

    Un vent d'été, qui souffle on ne sait d'où,
    Erre en rêvant comme une âme de fou ;

    Et, sous des yeux d'étoile épanouie,
    La forêt chante avec un bruit de pluie.

    Parfois...

  • Amour qui voles dans les nues,
    Baisers blancs, fuyant sur l'azur,
    Et qui palpites dans les mues,
    Au nid sourd des forêts émues ;

    Qui cours aux fentes des vieux murs,
    Dans la mer qui de joie écume,
    Au flanc des navires, et sur
    Les grandes voiles de lin pur ;

    Amour sommeillant sur la plume
    Des aigles et des traversins,
    Que...

  • En été dans ta chambre claire,
    Vers le temps des premiers aveux,
    (Ce jeu-là paraissait Te plaire)
    On ouvrait parfois Baudelaire,
    Avec ton épingle à cheveux,

    Comme un croyant ouvre sa Bible,
    En s'imaginant que le Ciel,
    Dans un verset doux ou terrible,
    Va parler à son coeur sensible,
    Quelque peu superficiel ;

    D'avance on désignait...

  • Pendant qu'hésite encor ton pas sur la prairie,
    Le pays s'est de ciel houleux enveloppé.
    Tu cèdes, l'oeil levé vers la nuagerie,
    A ce doux midi blême et plein d'osier coupé.

    Nous avons tant suivi le mur de mousse grise
    Qu'à la fin, à nos flancs qu'une douleur emplit,
    Non moins bon que ton sein, tiède comme l'église,
    Ce fossé s'est ouvert aussi sûr...

  • Un vieux clocher coiffé de fer sur la colline.
    Des fenêtres sans cris, sous des toits sans oiseaux.
    D'un barbaresque Azur la paix du Ciel s'incline.
    Soleil dur ! Mort de l'ombre ! Et Silence des Eaux.

    Marius ! son fantôme à travers les roseaux,
    Par la plaine ! Un son lent de l'Horloge féline.
    Quatre enfants sur la place où l'ormeau perd ses os,
    ...

  • Quand je mourrai, ce soir peut-être,
    Je n'ai pas de jour préféré,
    Si je voulais, je suis le maître,
    Mais... ce serait mal me connaître,
    N'importe, enfin, quand je mourrai.

    Mes chers amis, qu'on me promette
    De laisser le bois... au lapin,
    Et, s'il vous plaît, qu'on ne me mette
    Pas, comme une simple allumette,
    Dans une boîte de sapin ;...