Je me souviens de mon enfance
Et du silence où j'avais froid ;
J'ai tant senti peser sur moi
Le regard de l'indifférence.

Ô jeunesse, je te revois
Toute petite et repliée,
Assise et recueillant les voix
De ton âme presque oubliée.

Le bonheur est mélancolique.
Le cri des plus joyeux oiseaux
Paraît lointain comme de l'eau
Où se noierait une musique.

À l'oeil qui s'en repaît longtemps
La couleur des fleurs est moins fraîche ;
L'herbe a parfois l'air d'être sèche
Sur le sein même...

Ma tête, penche-toi sur l'eau blanche et dénoue
Dedans tes longs cheveux et que l'eau passe et joue
Au travers, les emporte au mouvement des vagues
Dans le sommeil flottant et végétal de l'algue.
Que le glissement calme et murmurant de l'eau
Entraîne hors de ton...

Vivre du vert des prés et du bleu des collines,
Des arbres racineux qui grimpent aux ravines,
Des ruisseaux éblouis de l'argent des poissons ;
Vivre du cliquetis allègre des moissons,
Du clair halètement des sources remuées,
Des matins de printemps qui soufflent...

Il est né, j'ai perdu mon jeune bien-aimé,
Je le tenais si bien dans mon âme enfermé,
Il habitait mon sein, il buvait mes tendresses,
Je le laissais jouer et tirailler mes tresses.
À qui vais-je parler dans mon coeur à présent ?
Il écoutait mes pleurs tomber en s'...

Ma maison est assise au vent
Dans une plaine sombre et nue
Comme un tombeau pour un vivant
Où s'agite ma chair menue.

Les longs brouillards viennent frôler
Au soir ma porte solitaire,
Et je ne sais rien de la terre
Que ma tristesse d'exilé.

Tu tettes le lait pur de mon âme sereine,
Mon petit nourrisson qui n'as pas vu le jour,
Et sur ses genoux blancs elle, berce la tienne
En lui parlant tout bas de la vie au front lourd.

Voici le lait d'esprit et le lait de tendresse,
Voici le regard d'or qu'on...

Dans l'ombre de ce vallon
Pointent les formes légères
Du Rêve. Entre les bourgeons
Et du milieu des fougères
Émergent des fronts songeurs
Dans leurs molles chevelures,
Et des mamelles plus pures
Que le calice des fleurs.

Ô rêve, de cette...

Ô Beauté nue,
Les oiseaux volent dans le calme
Où la digitale remue,
Où la fougère aux fines palmes
Est encor d'un vert tendre au pied de l'aulne obscur.
Une molle buée enveloppe l'azur,
Allège les lointains, les arbres, les maisons,
Noie à demi la ferme et...

Dans cette tasse claire où luit un cercle d'or
J'ai versé du lait blanc pour ta lèvre vermeille.
Comme un enfant dolent le long du corridor
Un rayon de soleil s'étant couché sommeille.

Vois, la mouche gourmande est plus sage que toi.
Perchée au bord du vase où...