• Quand je te dis adieu, pour m'en venir ici,
    Tu me dis, mon La Haye, il m'en souvient encore :
    Souvienne-toi, Bellay, de ce que tu es ore,
    Et comme tu t'en vas, retourne-t'en ainsi.

    Et tel comme je vins, je m'en retourne aussi :
    Hormis un repentir qui le coeur me dévore,
    Qui me ride le front, qui mon chef décolore,
    Et qui me fait plus bas enfoncer le...

  • Digne fils de Henri, notre Hercule gaulois,
    Notre second espoir, qui portes sur ta face
    Retraite au naturel la maternelle grâce
    Et gravée en ton coeur la vertu de Valois :

    Cependant que le ciel, qui jà dessous tes lois
    Trois peuples a soumis, armera ton audace
    D'une plus grand vigueur, suis ton père à la trace,
    Et apprends à dompter l'Espagnol et l'...

  • Ni la fureur de la flamme enragée,
    Ni le tranchant du fer victorieux,
    Ni le dégât du soldat furieux,
    Qui tant de fois, Rome, t'a saccagée,

    Ni coup sur coup ta fortune changée,
    Ni le ronger des siècles envieux,
    Ni le dépit des hommes et des dieux,
    Ni contre toi ta puissance rangée,

    Ni l'ébranler des vents impétueux,
    Ni le débord de ce...

  • Ce n'est le fleuve tusque au superbe rivage,
    Ce n'est l'air des Latins, ni le mont Palatin,
    Qui ores, mon Ronsard, me fait parler latin,
    Changeant à l'étranger mon naturel langage.

    C'est l'ennui de me voir trois ans et davantage,
    Ainsi qu'un Prométhée, cloué sur l'Aventin,
    Où l'espoir misérable et mon cruel destin,
    Non le joug amoureux, me détient en...

  • Quand le Soleil lave sa tête blonde
    En l'Océan, l'humide et noire nuit
    Un coi sommeil, un doux repos sans bruit
    Epand en l'air, sur la terre et sous l'onde.

    Mais ce repos, qui soulage le monde
    De ses travaux, est ce qui plus me nuit,
    Et d'astres lors si grand nombre ne luit,
    Que j'ai d'ennuis et d'angoisse profonde.

    Puis quand le ciel de...

  • Cent fois plus qu'à louer on se plaît à médire :
    Pour ce qu'en médisant on dit la vérité,
    Et louant, la faveur, ou bien l'autorité,
    Contre ce qu'on en croit, fait bien souvent écrire.

    Qu'il soit vrai, pris-tu onc tel plaisir d'ouïr lire
    Les louanges d'un prince ou de quelque cité,
    Qu'ouïr un Marc Antoine à mordre exercité
    Dire cent mille mots qui...

  • De quelque autre sujet que j'écrive, Jodelle,
    Je sens mon coeur transi d'une morne froideur,
    Et ne sens plus en moi cette divine ardeur
    Qui t'enflamme l'esprit de sa vive étincelle.

    Seulement quand je veux toucher le los de celle
    Qui est de notre siècle et la perle et la fleur,
    Je sens revivre en moi cette antique chaleur,
    Et mon esprit lassé...

  • Déjà la nuit en son parc amassait
    Un grand troupeau d'étoiles vagabondes,
    Et, pour entrer aux cavernes profondes,
    Fuyant le jour, ses noirs chevaux chassait ;

    Déjà le ciel aux Indes rougissait,
    Et l'aube encor de ses tresses tant blondes
    Faisant grêler mille perlettes rondes,
    De ses trésors les prés enrichissait :

    Quand d'occident, comme une...

  • Ici de mille fards la traïson se déguise,
    Ici mille forfaits pullulent à foison,
    Ici ne se punit l'homicide ou poison,
    Et la richesse ici par usure est acquise

    Ici les grands maisons viennent de bâtardise,
    Ici ne se croit rien sans humaine raison,
    Ici la volupté est toujours de saison,
    Et d'autant plus y plaît que moins elle est permise.

    ...

  • Ô de qui la vive course
    Prend sa bienheureuse source,
    D'une argentine fontaine,
    Qui d'une fuite lointaine,
    Te rends au sein fluctueux
    De l'Océan monstrueux,
    Loire, hausse ton chef ores
    Bien haut, et bien haut encores,
    Et jette ton oeil divin
    Sur ce pays Angevin,
    Le plus heureux et fertile,
    Qu'autre où ton onde distille.
    Bien d'autres...