Ce soir, ta chair malade a des langueurs inertes ;
Entre tes doigts fiévreux meurent tes beaux glaïeuls ;
Ce soir, l?orage couve, et l?odeur des tilleuls
Fait pâlir par instants tes lèvres entr?ouvertes.
Les yeux plongeant au fond des campagnes désertes,
Nous sentons croître en nous, sous la nue en linceuls,
Cette solennité tragique d?être seuls ;
Et...
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Devant la mer, un soir, un beau soir d?Italie,
Nous rêvions... toi, câline et d?amour amollie,
Tu regardais, bercée au coeur de ton amant,
Le ciel qui s?allumait d?astres splendidement.
Les souffles qui flottaient parlaient de défaillance ;
Là-bas, d?un bal lointain, à travers le silence,
Douces comme un sanglot qu?on exhale à genoux,
Des valses d?... -
Premiers soirs de printemps : tendresse inavouée...
Aux tiédeurs de la brise écharpe dénouée...
Caresse aérienne... encens mystérieux...
Urne qu'une main d'ange incline au bord des cieux...
Oh ! Quel désir ainsi, troublant le fond des âmes,
Met ce pli de langueur à la hanche des femmes ?
Le couchant est d'or rose et la joie emplit l'air,
Et la ville, ce soir... -
Son rêve fastueux, seul, lui donnait des fêtes ;
Il avait son orgueil intime pour ami.
Grave, pour dérider un peu son front blêmi,
Il regardait ses fleurs et caressait ses bêtes.
Soumis à ses grands yeux étranges de prophète,
De beaux désirs pareils à des tigres parmi
Les jungles de ses sens s?étiraient à demi.
Il vivait seul avec son âme pour conquête... -
Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les îlots,
Une harpe d'amour soupirait, infinie ;
Les flots voluptueux ruisselaient d'harmonie
Et des larmes montaient aux yeux des matelots.
Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les rochers,
Une haleine de fleurs alanguissait les voiles ;
Et le ciel reflété dans les flots pleins d'étoiles
Versait tout son azur... -
O femme, chair tragique, exquisement amère,
Femme, notre mépris sublime et notre Dieu,
O monstre de douceur, et cavale de feu,
Qui galopes plus vite encor que la Chimère.
Femme, qui nous attends dans l'ombre au coin du bois,
Quand, chevaliers d'avril, en nos armures neuves
Nous allons vers la vie, et descendons les fleuves
En bateaux pavoisés, le... -
Debout, voluptueux, dans l?ombre où tu t?endors
Un clairon martial résonne et te convie.
Debout ton coeur, debout ta pensée asservie...
Ne faut-il pas que tu sois fort entre les forts ?
La volonté, lionne à l?indomptable essor,
Sous sa griffe superbe emporte au loin la vie,
Et s?irrite et triomphe et, belle inassouvie,
Rugit à l?avenir sur des... -
L'air est trois fois léger. Sous le ciel trois fois pur,
Le vieux bourg qui s'effrite en ses noires murailles
Ce clair matin d'hiver sourit sous ses pierrailles
À ses monts familiers qui rêvent dans l'azur...
Une dalle encastrée, en son latin obscur,
Parle après deux mille ans d'antiques funérailles.
César passait ici pour gagner ses batailles,
Un... -
Pâle comme un matin de septembre en Norvège,
Elle avait la douceur magnétique du nord ;
Tout s?apaisait près d?elle en un tacite accord,
Comme le bruit des pas s?étouffe dans la neige.
Son visage, par un étrange sortilège,
Avait pris dès l?enfance et gardait sans efforts
Un peu de la beauté sublime qu?ont les morts ;
Et le rire semblait près d?elle... -
Barbare et somptueux brasier de pierreries,
Le sabre, recourbant sa lame d?acier fin,
Fait luire sur la rouge extase d?un coussin
L?efflorescent trésor de ses orfèvreries.
Il chante l?allégresse atroce des tueries ;
La guerre exalte en lui son orgueil assassin ;
Et les pierres, qu?enroule un fastueux dessin,
Chargent son pommeau d?or de lumières...