• La ville est morte, morte, irréparablement !
    D'une lente anémie et d'un secret tourment,
    Est morte jour à jour de l'ennui d'être seule...
    Petite ville éteinte et de l'autre temps qui

    Conserve on ne sait quoi de vierge et d'alangui
    Et semble encor dormir tandis qu'on l'enlinceule ;
    Car voici qu'à présent, pour embaumer sa mort,
    Les canaux, pareils à des...

  • Quelques vieilles cités déclinantes et seules,
    De qui les clochers sont de moroses aïeules,
    Ont tout autour une ceinture de remparts.
    Ceinture de tristesse et de monotonie,
    Ceinture de fossés taris, d'herbe jaunie
    Où sonnent des clairons comme pour des départs,
    Vibrations de cuivre incessamment décrues ;
    Tandis qu'au loin, sur les talus, quelques...

  • Dans l'angle obscur de la chambre, le piano
    Songe, attendant des mains pâles de fiancée
    De qui les doigts sont sans reproche et sans anneau,
    Des mains douces par qui sa douleur soit pansée

    Et qui rompent un peu son abandon de veuf,
    Car il refrémirait sous des mains élargies
    Puisqu'en lui dort encor l'espoir d'un bonheur neuf.
    Après tant de silence,...

  • La lampe dans la chambre est une rose blanche
    Qui s'ouvre tout à coup au jardin gris du soir ;
    Son reflet au plafond dilate un halo noir
    Et c'est assez pour croire un peu que c'est dimanche.

    La lampe dans la chambre est une lune blanche
    Qui fait fleurir dans les miroirs des nénuphars ;
    On ne sait plus quel jour il est, ni s'il est tard,
    Sauf qu'on est...

  • Songeur, dans de beaux rêves t'absorbant,
    La pendule, à l'heure où seul tu médites,
    T'afflige avec ses bruits froids, stalactites
    Du temps qui s'égoutte et pleure en tombant.

    C'est une eau qui filtre en petites chutes
    Et soudain se glace aux parois du coeur ;
    Et cela produit toute une langueur
    L'émiettement de l'heure en minutes.

    Collier...

  • Dans l'air fraîchi, venant d'où, déclose comment ?
    Vers moi, par la fenêtre ouverte, une musique
    Déferle à petites vagues si tristement.
    Elle me fait à l'âme un mal presque physique.

    Confuse comme un songe... est-ce d'un piano,
    Est-ce d'un violon méconnu qui s'afflige
    Ou d'une voix humaine en élans comme une eau
    D'un jet d'eau qui s'effeuille en larmes...

  • Quand le soir est tombé dans la chambre quiète
    Mélancoliquement, seul le lustre émiette
    Son bruit d'incontenté dans le silence clos.
    Lustre toujours vibrant comme un arbre d'échos,

    Lustre aux calices fins en verre de Venise
    Où la douleur de la poussière s'éternise,
    Mais en gémissements qu'à peine on remarqua,
    Grêles comme un chagrin lointain d'harmonica...

  • Les glaces sont les mélancoliques gardiennes
    Des visages et des choses qui s'y sont vus ;
    Mirage obéissant sans jamais un refus !
    Mais le soir leur revient en crises quotidiennes ;
    C'est une maladie en elles que le soir ;
    Comment se prolonger un peu, comment surseoir
    Au mal de perdre en soi les couleurs et les lignes ?
    C'est le mal d'un canal où s'...

  • L'eau des anciens canaux est débile et mentale,
    Si morne, parmi les villes mortes, aux quais
    Parés d'arbres et de pignons en enfilade
    Qui sont, dans cette eau pauvre, à peine décalqués,
    Eau vieillie et sans force ; eau malingre et déprise
    De tout élan pour se raidir contre la brise
    Qui lui creuse trop de rides... Oh ! la triste eau
    Qui va pleurer sous les...

  • En province, dans la langueur matutinale
    Tinte le carillon, tinte dans la douceur
    De l'aube qui regarde avec des yeux de soeur,
    Tinte le carillon, - et sa musique pâle

    S'effeuille fleur à fleur sur les toits d'alentour,
    Et sur les escaliers des pignons noirs s'effeuille
    Comme un bouquet de sons mouillés que le vent cueille,
    Musique du matin qui tombe de...