• Je vous revois toujours, immobiles cyprès,
    Dans la lumière dure,
    Découpés sur l'azur, au bord des flots, auprès
    D'une blanche clôture :

    Je garde aussi les morts ; elle a votre couleur,
    Mon âme, sombre abîme.
    Mais je m'élance hors la Parque et le malheur,
    Pareil à votre cime.

  • Je viens de mal parler de toi, rose superbe !
    Si ton éclat est vif, rose, tu sais pourtant,
    Seule dans le cristal, au milieu de la gerbe,
    Aussi bien que les yeux rendre le coeur content.

    Un jour, contre le mur d'une porte gothique
    (j'errais en ce temps-là dans les pays du nord)
    Rose, tu m'apparus très pâle et fantastique
    Et frissonnante au vent plein de...

  • Hiver : la bise se lamente,
    La neige couvre le verger.
    Dans nos coeurs aussi, pauvre amante,
    Il va neiger, il va neiger.

    Hier : c'était les soleils jaunes.
    Hier, c'était encor l'été.
    C'était l'eau courant sous les aulnes
    Dans le val de maïs planté.

    Hier, c'était les blancs, les roses
    Lis, les lis d'or érubescent -
    Et demain : c'est...

  • Paris flambe, à travers la nuit farouche et noire ;
    Le ciel est plein de sang, on brûle de l'histoire.
    Théâtres et couvents, hôtels, châteaux, palais,
    Qui virent les Fleurys après les Triboulets,
    Se débattent parmi les tourbillons de flammes
    Qui flottent sur Paris comme les oriflammes
    D'un peuple qui se venge au moment de mourir.
    Le feu de pourpre et d'or...

  • A Gabriel Fabre.

    On regarde briller les feux de Port-Saïd,
    Comme les Juifs regardaient la Terre Promise ;
    Car on ne peut débarquer ; c'est interdit
    - Paraît-il - par la Convention de Venise

    A ceux du pavillon jaune de quarantaine.
    On n'ira pas à terre calmer ses sens inquiets
    Ni faire provision de photos obscènes
    Et de cet excellent tabac...

  • A Ruben Dario.

    Ni les attraits des plus aimables Argentines,
    Ni les courses à cheval dans la pampa,
    N'ont le pouvoir de distraire de son spleen
    Le Consul général de France à La Plata !

    On raconte tout bas l'histoire du pauvre homme :
    Sa vie fut traversée d'un fatal amour,
    Et il prit la funeste manie de l'opium ;
    Il occupait alors le poste...

  • A Francis Jourdain.

    L'Écosse s'est voilée de ses brumes classiques,
    Nos plages et nos lacs sont abandonnés ;
    Novembre, tribunal suprême des phtisiques,
    M'exile sur les bords de la Méditerranée...

    J'aurai un fauteuil roulant " plein d'odeurs légères "
    Que poussera lentement un valet bien stylé :
    Un soleil doux vernira mes heures dernières,
    Cet...

  • A Henry de Bruchard.

    Sous les terrasses du Royal défilent les goums
    Qui doivent prendre part à la fantasia :
    Sur son fier cheval qu'agace le bruit des zornas,
    On admire la prestance du Caïd de Touggourth...

    Au petit café maure où chantonne le goumbre
    Monsieur Cahen d'Anvers demande un cahouha :
    R.S. Hitchens cause à la belle Messaouda,
    Dont...

  • A Rudyard Kipling.

    Les bureaux ferment à quatre heures à Calcutta ;
    Dans le park du palais s'émeut le tennis ground ;
    Dans Eden Garden grince la musique épicée des cipayes ;
    Les équipages brillants se saluent sur le Red Road...

    Sur son trône d'or, étincelant de rubis et d'émeraudes,
    S. A. le Maharajah de Kapurthala
    Regrette Liane de Pougy et Cléo...

  • A la mémoire de Laura Lopez.

    On se souvient de la chapelle des Goyaves
    Où dorment deux mille dimanches des Antilles,
    De la viduité harmonieuse du havre,
    Et de la musique, du temps vieillot des résilles...

    - Colonie d'où l'aventurier revenait pauvre ! -
    Les enfants demi-nus jouaient, et leurs cris
    Sourdaient, familiers comme les bougainvilliers...