• Ce nuage est bien noir : - sur le ciel il se roule,
    Comme sur les galets de la côte une houle.
    L'ouragan l'éperonne, il s'avance à grands pas.
    - A le voir ainsi fait, on dirait, n'est-ce pas ?
    Un beau cheval arabe, à la crinière brune,
    Qui court et fait voler les sables de la dune.
    Je crois qu'il va pleuvoir : - la bise ouvre ses flancs,
    Et par la déchirure...

  • Sur cette place je m'ennuie,
    Obélisque dépareillé ;
    Neige, givre, bruine et pluie
    Glacent mon flanc déjà rouillé ;

    Et ma vieille aiguille, rougie
    Aux fournaises d'un ciel de feu,
    Prend des pâleurs de nostalgie
    Dans cet air qui n'est jamais bleu.

    Devant les colosses moroses
    Et les pylônes de Luxor,
    Près de mon frère aux...

  • La spirale sans fin dans le vide s'enfonce ;
    Tout autour, n'attendant qu'une fausse réponse
    Pour vous pomper le sang,
    Sur leurs grands piédestaux semés d'hiéroglyphes,
    Des sphinx aux seins pointus, aux doigts armés de griffes,
    Roulent leur oeil luisant.

    En passant devant eux, à chaque pas l'on cogne
    Des os demi-rongés, des restes de charogne,
    Des...

  • Le squelette était invisible,
    Au temps heureux de l'Art païen ;
    L'homme, sous la forme sensible,
    Content du beau, ne cherchait rien.

    Pas de cadavre sous la tombe,
    Spectre hideux de l'être cher,
    Comme d'un vêtement qui tombe
    Se déshabillant de sa chair,

    Et, quand la pierre se lézarde,
    Parmi les épouvantements,
    Montrait à l'...

  • Squelettes conservés dans les amphithéâtres,
    Animaux empaillés, monstres, foetus verdâtres,
    Tout humides encor de leur bain d'alcool,
    Culs-de-jatte, pieds-bots, montés sur des limaces,
    Pendus tirant la langue et faisant des grimaces ;
    Guillotinés blafards, un ruban rouge au col,
    Soutenant d'une main leur tête chancelante ;
    - Tous les suppliciés, foule...

  • La petite Marie est morte,
    Et son cercueil est si peu long
    Qu'il tient sous le bras qui l'emporte
    Comme un étui de violon.

    Sur le tapis et sur la table
    Traîne l'héritage enfantin.
    Les bras ballants, l'air lamentable,
    Tout affaissé, gît le pantin.

    Et si la poupée est plus ferme,
    C'est la faute de son bâton ;
    Dans son oeil une larme...

  • Soulève ta paupière close
    Qu?effleure un songe virginal ;
    Je suis le spectre d?une rose
    Que tu portais hier au bal.
    Tu me pris encore emperlée
    Des pleurs d?argent de l?arrosoir,
    Et parmi la fête étoilée
    Tu me promenas tout le soir.

    Ô toi qui de ma mort fus cause,
    Sans que tu puisses le chasser
    Toute la nuit mon spectre rose
    A ton...

  • Une femme mystérieuse,
    Dont la beauté trouble mes sens,
    Se tient debout, silencieuse,
    Au bord des flots retentissants.

    Ses yeux, où le ciel se reflète,
    Mêlent à leur azur amer,
    Qu'étoile une humide paillette,
    Les teintes glauques de la mer.

    Dans les langueurs de leurs prunelles,
    Une grâce triste sourit ;
    Les pleurs mouillent les...

  • Confort et far-niente ! - toute une poésie
    De calme et de bien-être, à donner fantaisie
    De s'en aller là-bas être Flamand ; d'avoir
    La pipe culottée et la cruche à fleurs peintes,
    Le vidrecome large à tenir quatre pintes,
    Comme en ont les buveurs de Brawer, et le soir
    Près du poêle qui siffle et qui détonne, au centre
    D'un brouillard de tabac, les deux...

  • Tandis qu'à leurs oeuvres perverses
    Les hommes courent haletants,
    Mars qui rit, malgré les averses,
    Prépare en secret le printemps.

    Pour les petites pâquerettes,
    Sournoisement lorsque tout dort,
    Il repasse des collerettes
    Et cisèle des boutons d'or.

    Dans le verger et dans la vigne,
    Il s'en va, furtif perruquier,
    Avec une houppe de...