• Rondeau

    Coeur prisonnier, je vous le disais bien,
    Qu'en la voyant vous ne seriez plus mien
    Si j'eusse eu lors le sens de vous entendre...
    Moi qui eût pu deviner ni attendre
    Qu'un si grand mal advînt d'un si grand bien ?

    Puisqu'ainsi est, bienheureux je vous tien
    D'être arrêté à si noble lien,
    Pourvu aussi qu'elle vous veuille prendre...

  • Embrasse-moi, mon coeur, baise-moi, je t'en prie,
    Presse-moi, serre-moi ! À ce coup je me meurs !
    Mais ne me laisse pas en ces douces chaleurs :
    Car c'est à cette fois que je te perds, ma vie.

    Mon ami, je me meurs et mon âme assouvie
    D'amour, de passions, de plaisirs, de douceurs,
    S'enfuit, se perd, s'écoule et va loger ailleurs,
    Car ce baiser larron...

  • La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
    Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
    Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
    Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
    Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
    Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
    Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,...

  • Qu'est-ce pour nous, mon coeur, que les nappes de sang
    Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris
    De rage, sanglots de tout enfer renversant
    Tout ordre ; et l'Aquilon encor sur les débris ;

    Et toute vengeance ? Rien !... - Mais si, toute encor,
    Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats :
    Périssez ! puissance, justice, histoire : à bas !
    Ça...

  • Mon triste coeur bave à la poupe,
    Mon coeur couvert de caporal :
    Ils y lancent des jets de soupe,
    Mon triste coeur bave à la poupe :
    Sous les quolibets de la troupe
    Qui pousse un rire général,
    Mon triste coeur bave à la poupe,
    Mon coeur couvert de caporal !

    Ithyphalliques et pioupiesques
    Leurs quolibets l'ont dépravé !
    Au gouvernail on...

  • Qui sont, qui sont ceux-là, dont le coeur idolâtre
    Se jette aux pieds du Monde, et flatte ses honneurs,
    Et qui sont ces valets, et qui sont ces Seigneurs,
    Et ces âmes d'Ebène, et ces faces d'Albâtre ?

    Ces masques déguisés, dont la troupe folâtre
    S'amuse à caresser je ne sais quels donneurs
    De fumées de Cour, et ces entrepreneurs
    De vaincre encor le Ciel...

  • Mon coeur ne te rends point à ces ennuis d'absence,
    Et quelque forts qu'ils soient sois encore plus fort,
    Quand même tu serais sur le point de la mort
    Mon coeur, ne te rends point, et reprends ta puissance.

    Que si tant de combats te donnent connaissance
    Que tu n'es pas toujours pour rompre leur effort,
    Garde-toi de tomber en un tel déconfort
    Que...

  • A***.

    Je vivais sans coeur, tu vivais sans flamme,
    Incomplets, mais faits pour un sort plus beau ;
    Tu pris de mes sens, - je pris de ton âme,
    Et tous deux ainsi nous nous partageâme :
    Mais c'est toi qui fis le meilleur cadeau !

    Oui ! c'est toi, merci... C'est toi, sainte femme,
    Qui m'as fait sentir le profond amour...
    Je mis de ma nuit...

  • Le coeur tremblant, la joue en feu,
    J'emporte dans mes cheveux
    Tes lèvres encore tièdes.
    Tes baisers restent suspendus
    Sur mon front et mes bras nus
    Comme des papillons humides.
    Je garde aussi ton bras d'amant,
    Autoritaire enlacement,
    Comme une ceinture à ma taille.

  • Souvent le coeur qu'on croyait mort
    N'est qu'un animal endormi ;
    Un air qui souffle un peu plus fort
    Va le réveiller à demi ;
    Un rameau tombant de sa branche
    Le fait bondir sur ses jarrets
    Et, brillante, il voit sur les prés
    Lui sourire la lune blanche.