I

Muse, rappelle-toi l'enfant aux genoux maigres
que nous vîmes, gonflés de rancune et d'amour,
prendre nonchalamment le chemin du retour
sous mille arbres blessés de ses rires allègres ;

sans trop y réfléchir aux gloires de ce corps
le souvenir...

Je vivais au milieu de choses mal unies,
Demandant au hasard de diriger mes pas.
Je mettais à mon dieu le masque des folies
Et le meilleur ami ne me connaissait pas.

Il s'est fait un été plus divin que les autres,
Comment résisterais-je à son embrassement ?...

Corps violent, redoutable, honteux,
Corps de poète habitué aux larmes,
Qui te secoue ainsi, qui te désarme ?
(Bruxelles dort orné de mille feux)

Dans le pays de la bonne souffrance
(Rappelle-toi cette maison des champs)
Archange infirme ivre de ton silence...

Amour, je ne viens pas dénouer vos cheveux.
Déserte, toute armée, inutile étrangère,
Je vous laisse debout dans un peu de lumière
Et je garde ce corps pur et mystérieux.

Mais pardonnerez-vous ce merveilleux ouvrage ?
Vous perdez un trésor à suivre mon conseil...

Chaque jour un oiseau rencontre ce garçon
Aux yeux baissés, qui se promène sous les arbres,
Vers la nuit, qui n'est pas plus gai que de raison
Ni triste, - mais l'oiseau l'écoute qui se parle :

Il ne regarde pas les hommes dans la rue,
Leurs yeux pâles (dit-il...

Muse des champs je vous rejoins.
Ouvrez votre aile, mon amie,
nous allons conquérir la pluie
et mille foudres dans les foins.

Ce minuit pâle, je l'accueille,
où le peuplier des jardins
hésite, se plie, et soudain,
pêche la lune au ras des feuilles....

Je ne chanterai pas très haut ni très longtemps.
C'est à mon plaisir seul, à vous que je m'attends
Égalité du coeur, honnête poésie.
Je n'ai rien de meilleur que cette humeur unie,
J'éprouve la couleur le grain de mon papier
Et l'incertain trésor que j'y viens...

La pluie fait une ville
Difficile à aimer
Point du jour Point du soir
Et pointe du plaisir.
Des goûts et des couleurs
Plus vives que jamais...
Ainsi la pluie me parle
Au coeur

Ô patrie légère
Ô maison de fil
Mes amis, mes frères
...

Ton visage est le mot de la nuit étoilée
Un ciel obscur s'ouvre lentement dans tes bras
Où le plaisir plus vain que la flamme argentée
Comme un astre brisé brille et tremble tout bas

Vivante, conduis-moi dans ce nocturne empire
Dont l'horizon mobile enferme...

Ah ! ne me soyez plus, orgueil, d'aucun secours.
Cet hiver épuisant me laisse trop sincère
et j'ordonne avant tout une force sévère
à mon coeur fatigué d'inutiles détours.

Il ne me reste plus qu'un misérable amour
et le secret de l'Ange égaré sur la terre ;...