• Puis qu’il t’à pleu de me faire congnoistre,
    Et par ta main, le VICE A SE MVER,
    Je tascheray faire en moy ce bien croistre,
    Qui seul en toy me pourra transmuer :
    C'est asçavoir, de tant m’esvertuer,
    Que congnoistras, que par esgal office
    Je fuiray loing d’ignorance le vice,
    Puis que desir de me transmuer as
    De noire en blanche, & par si...

  • Sonnet

    Je sais faire des vers perpétuels. Les hommes
    Sont ravis à ma voix qui dit la vérité.
    La suprême raison dont j'ai, fier, hérité
    Ne se payerait pas avec toutes les sommes.

    J'ai tout touché : le feu, les femmes, et les pommes ;
    J'ai tout senti : l'hiver, le printemps et l'été
    J'ai tout trouvé, nul mur ne m'ayant arrêté.
    Mais Chance,...

  • Ce n'est plus moy que veult faire d'un rien grand'chose ;
    Je ne cizelle plus sur l'immortalité
    Le soudain changement d'une vaine beauté,
    Ornant de deshonneur les vers que je compose ;

    Je ne veux plus cacher par la Métamorphose
    Cela qui est mortel dessous la déité,
    Esclavant follement ma douce liberté :
    Pour un malheur subject ma rythme je dispose....

  • Ores je te veux faire un solennel serment,
    Non serment qui m'oblige à t'aimer d'avantage,
    Car meshuy je ne puis ; mais un vray tesmoignage
    A ceulx qui me liront, que j'aime loyaument.

    C'est pour vray, je vivray, je mourray en t'aimant.
    Je jure le hault ciel, du grand Dieu l'heritage,
    Je jure encor l'enfer, de Pluton le partage,
    Où les parjurs...

  • Après la Mort n'est seurté de querir
    Remedde aucun pour l'ame secourir :
    Dont faire fault telles ceuvres tousjours
    Que l'on vouldroit faire les propres jours
    Que dure Mort nous vient prandre et saisir.

    Dames d'honneur tastez donc conquerir
    Toutes vertus, tant qu'ilz facent florir
    Voz beaulx espritz aux celestines cours
    Apres la Mort.
    ...

  • Le ciel est bien cruel de faire les uns naître
    Monarques souverains, princes et empereurs,
    Les autres artisans, vignerons, laboureurs,
    Et bergers qui aux champs mènent les brebis paître.

    Car il advient souvent que celui qui est maître
    Mériterait tenir le rang des serviteurs,
    Dont quelques-uns qui vont se tuant de labeurs
    Pour leur gentil esprit...

  • I

    Je voudrais, si ma vie était encore à faire,
    Qu'une femme très calme habitât avec moi,
    Plus jeune de dix ans, qui portât sans émoi
    La moitié d'une vie au fond plutôt sévère.

    Notre coeur à tous deux, dans ce château de verre,
    Notre regard commun, franchise et bonne foi,
    Un et double, dirait comme en soi-même : Voi !
    Et répondrait comme...

  • A mon plaisir vous faites feu et basme,
    Parquoi souvent je m'étonne, madame,
    Que vous n'avez quelque ami par amours :
    Au diable l'un, qui fera ses clamours
    Pour vous prier, quand serez vieille lame.

    Or, en effet, je vous jure mon âme,
    Que si j'étais jeune et gaillarde femme,
    J'en aurais un devant qu'il fut trois jours
    A mon plaisir.

    Et...

  • Faire l'amour alors qu'il me défait,
    Et tout défait, l'amour même défaire,
    Le défaisant, le rendre plus parfait,
    Le parfaisant, l'éprouver plus contraire.

    Se délecter aux plaies qu'il me fait,
    Chanter l'honneur de mon fier adversaire ;
    Et de cent maux endurés en effet
    Ne rapporter qu'un bien imaginaire.

    Cacher son mal de crainte de le...

  • Je chante et pleure, et veux faire et défaire,
    J'ose et je crains, et je fuis et je suis,
    J'heurte et je cède, et j'ombrage et je luis,
    J'arrête et cours, je suis pour et contraire,

    je veille et dors, et suis grand et vulgaire,
    Je brûle et gèle, et je puis et ne puis,
    J'aime et je hais, je conforte et je nuis,
    Je vis et meurs, j'espère et...