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    La végétation, les marais et le sol
    Ont fini d’éponger les larmes de la pluie ;
    L’insecte reparaît, l’oiseau reprend son vol
    Vers l’arbre échevelé que le zéphyr essuie,
    Et l’horizon lointain perd sa couleur de suie.
    Lors, voici qu’enjambant tout le coteau rouillé,
    Irisant l’étang morne et le roc ennuyé,
    S’arrondit au milieu d’un clair-obscur...

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    Elles meurent de spleen, à l’ombre des maisons,
    Les chaloupes de mer qui vacillent sans trêve,
    Et qui voudraient tenter aux plus creux horizons,
    Loin des miasmes chauds et stagnants de la grève,
    Le gouffre qui les tord, les happe et les enlève.
    Aussi quand le pêcheur prend les avirons lourds,
    Chacune en toute hâte arborant ses atours
    Fuit le...

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    Quand le soleil dessèche et mord le paysage,
    On a l’œil ébloui par les bons lézards verts :
    Ils vont, longue émeraude ayant corps et visage,
    Sur les tas de cailloux, sur les rocs entr’ouverts,
    Et sur les hauts talus que la mousse a couverts.
    Ils sont stupéfiés par la température ;
    Près d’eux, maint oiselet beau comme une peinture
    File sur l’eau...

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    Tantôt plats et stagnants comme des étangs morts,
    On les voit s'étaler en flocons immobiles
    Ou ramper dans l’azur ainsi que des remords ;
    Tantôt comme un troupeau fuyard de bêtes viles,
    Ils courent sur les bois, les ravins et les villes ;
    Et l’arbre extasié tout près de s’assoupir,
    Et les toits exhalant leur vaporeux soupir
    Qui les rejoint dans...

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    Dès qu’au clocher voisin l’âme a volé tout droit
    Et dit au vieux bourdon : « Glas ! il faut que tu tintes ! »
    Le cadavre plombé dont la chaleur décroît,
    Nez réduit, bouche ouverte et prunelles éteintes,
    Se roidit en prenant la plus blême des teintes.
    Puis, l’Ange noir chuchote à ce morceau de chair :
    « Qu’on te regrette ou non, cercueil cher ou pas...

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    Le râle de genêts croassait dans les prés
    Comme un peigne qu’on racle au milieu du mystère ;
    Le soir décolorait les arbres effarés,
    Et lentement la Lune, au ras du ciel austère,
    Se recourbait en arc ainsi qu’un cimeterre.
    C’est alors que, tout seul dans la vallée, au bruit
    Du crapaud des étangs qui flûtait son ennui,
    Par les taillis scabreux,...

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    En automne, à cette heure où le soir triomphant
    Inonde à flots muets la campagne amaigrie,
    Rien ne m’amusait plus, lorsque j’étais enfant,
    Que d’aller chercher l’âne au fond d’une prairie
    Et de le ramener jusqu’à son écurie.
    En vain le vieux baudet sentait ses dents jaunir,
    Ses sabots s’écailler, sa peau se racornir :
    À ma vue il songeait aux...

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    Balzac est parmi nous le grand poète en prose,
    Et jamais nul esprit sondeur du gouffre humain,
    N’a fouillé plus avant la moderne névrose,
    Ni gravi dans l’Art pur un plus âpre chemin.

    D’un siècle froid, chercheur, hystérique et morose
    Il a scruté le ventre et disséqué la main ;
    Et son œuvre est un parc sensitif où la rose
    Fait avec l’asphodèle...

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    Les becs de gaz des mauvais coins
    Éclairent les filous en loques
    Et ceux qui, pleins de soliloques,
    S’en vont jaunes comme des coings.

    Complices des rôdeurs chafouins
    Guettant le Monsieur à breloques,
    Les becs de gaz des mauvais coins
    Éclairent les filous en loques.

    Et coups de couteaux, coups de poings,
    Coups de sifflets, cris...

  • Dans le chaland moussu, la petiote ignorant
    Sa figure comme son âme,
    Pour la première fois, près de sa sœur qui rame,
    Va sur l’étang vert transparent.

    « Oh ! fait-elle, soudain, vois donc la belle...