• N'étant, comme je suis, encore exercité
    Par tant et tant de maux au jeu de la fortune,
    Je suivais d'Apollon la trace non commune,
    D'une sainte fureur saintement agité.

    Ores ne sentant plus cette divinité,
    Mais piqué du souci qui fâcheux m'importune,
    Une adresse j'ai pris beaucoup plus opportune
    A qui se sent forcé de la nécessité.

    Et c'est...

  • Autant comme l'on peut en un autre langage
    Une langue exprimer, autant que la nature
    Par l'art se peut montrer, et que par la peinture
    On peut tirer au vif un naturel visage :

    Autant exprimes-tu, et encor davantage,
    Avecques le pinceau de ta docte écriture,
    La grâce, la façon, le port et la stature
    De celui qui d'Énée a décrit le voyage.
    ...

  • Comme le champ semé en verdure foisonne,
    De verdure se hausse en tuyau verdissant,
    Du tuyau se hérisse en épi florissant,
    D'épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne :

    Et comme en la saison le rustique moissonne
    Les ondoyants cheveux du sillon blondissant,
    Les met d'ordre en javelle, et du blé jaunissant
    Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne :...

  • Comme l'on voit de loin sur la mer courroucée
    Une montagne d'eau d'un grand branle ondoyant,
    Puis traînant mille flots, d'un gros choc aboyant
    Se crever contre un roc, où le vent l'a poussée :

    Comme on voit la fureur par l'Aquilon chassée
    D'un sifflement aigu l'orage tournoyant,
    Puis d'une aile plus large en l'air s'esbanoyant
    Arrêter tout à coup sa...

  • Baif, qui, comme moi, prouves l'adversité,
    Il n'est pas toujours bon de combattre l'orage,
    Il faut caler la voile, et de peur du naufrage
    Céder à la fureur de Neptune irrité.

    Mais il ne faut aussi par crainte et vilité
    S'abandonner en proie : il faut prendre courage,
    Il faut feindre souvent l'espoir par le visage,
    Et faut faire vertu de la nécessité....

  • Comme on passe en été le torrent sans danger,
    Qui soulait en hiver être roi de la plaine,
    Et ravir par les champs d'une fuite hautaine
    L'espoir du laboureur et l'espoir du berger :

    Comme on voit les couards animaux outrager
    Le courageux lion gisant dessus l'arène,
    Ensanglanter leurs dents, et d'une audace vaine
    Provoquer l'ennemi qui ne se peut venger...

  • Scève, je me trouvai comme le fils d'Anchise
    Entrant dans l'Élysée et sortant des enfers,
    Quand après tant de monts de neige tous couverts
    Je vis ce beau Lyon, Lyon que tant je prise.

    Son étroite longueur, que la Saône divise,
    Nourrit mille artisans et peuples tous divers :
    Et n'en déplaise à Londre, à Venise et Anvers,
    Car Lyon n'est pas moindre en...

  • Comme un qui veut curer quelque cloaque immonde,
    S'il n'a le nez armé d'une contresenteur,
    Étouffé bien souvent de la grand puanteur
    Demeure enseveli dans l'ordure profonde :

    Ainsi le bon Marcel ayant levé la bonde,
    Pour laisser écouler la fangeuse épaisseur
    Des vices entassés, dont son prédécesseur
    Avait six ans devant empoisonné le monde

    Se...

  • Comme le marinier, que le cruel orage
    A longtemps agité dessus la haute mer,
    Ayant finalement à force de ramer
    Garanti son vaisseau du danger du naufrage,

    Regarde sur le port, sans plus craindre la rage
    Des vagues ni des vents, les ondes écumer ;
    Et quelqu'autre bien loin, au danger d'abîmer,
    En vain tendre les mains vers le front du rivage :
    ...

  • Comme jadis l'ame de l'univers
    Enamourée en sa beaulté profonde,
    Pour façonner cette grand' forme ronde,
    Et l'enrichir de ses thesors divers,

    Courbant sur nous son temple aux yeulx ouvers,
    Separa l'air, le feu, la terre, et l'onde,
    Et pour tirer les semences du monde
    Sonda le creux des abismes couvers :

    Non autrement, ô l'ame de ma vie...