• Kallirhoé conçut dans l’ombre, au fond d’un antre,
    A l’époque où les rois Ouranides sont nés,
    Ekhidna, moitié nymphe aux yeux illuminés,
    Moitié reptile énorme écaillé sous le ventre.

    Khrysaor engendra ce monstre horrible et beau,
    Mère de Kerbéros aux cinquante mâchoires,
    Qui, toujours plein de faim, le long des ondes noires,
    Hurle contre les morts qui...

  • Un long silence pend de l’immobile nue.
    La neige, bossuant ses plis amoncelés.
    Linceul rigide, étreint les océans gelés.
    La face de la terre est absolument nue.

    Point de villes, dont l’âge a rompu les étais,
    Qui s’effondrent par blocs confus que mord le lierre.
    Des lieux où tournoyait l’active fourmilière
    Pas un débris qui parle et qui dise : J’étais...

  • Silencieux, les poings aux dents, le dos ployé,
    Enveloppé du noir manteau de ses deux ailes,
    Sur un pic hérissé de neiges éternelles,
    Une nuit, s’arrêta l’antique Foudroyé.

    La terre prolongeait en bas, immense et sombre,
    Les continents battus par la houle des mers ;
    Au-dessus flamboyait le ciel plein d’univers ;
    Mais lui ne regardait que l’abîme de l...

  • Au tintement de l’eau dans les porphyres roux
    Les rosiers de l’Iran mêlent leurs frais murmures,
    Et les ramiers rêveurs leurs roucoulements doux.
    Tandis que l’oiseau grêle et le frêlon jaloux,
    Sifflant et bourdonnant, mordent les figues mûres,
    Les rosiers de l’Iran mêlent leurs frais murmures
    Au tintement de l’eau dans les porphyres roux.

    Sous les...

  • Une nuit claire, un vent glacé. La neige est rouge.
    Mille braves sont là qui dorment sans tombeau,
    L’épée au poing, les yeux hagards. Pas un ne bouge.
    Au-dessus tourne et crie un vol de noirs corbeaux.

    La lune froide verse au loin sa pâle flamme.
    Hialmar se soulève entre les morts sanglants,
    Appuyé des deux mains au tronçon de sa lame.
    La pourpre du...

  • Sous les noirs acajous les lianes en fleur,
    Dans l’air lourd, immobile et saturé de mouches,
    Pendent, et s’enroulant en bas parmi les souches,
    Bercent le perroquet splendide et querelleur,
    L’araignée au dos jaune et les singes farouches.
    C’est là que le tueur de bœufs et de chevaux,
    Le long des vieux troncs morts à l’écorce moussue,
    Sinistre et fatigué...

  • Le roi des Runes vint des collines sauvages.
    Tandis qu’il écoutait gronder la sombre mer,
    L’ours rugir, et pleurer le bouleau des rivages,
    Ses cheveux flamboyaient dans le brouillard amer.

    Le Skalde immortel dit : — Quelle fureur t’assiége,
    O sombre mer ? Bouleau pensif du cap brumeux,
    Pourquoi pleurer ? vieil Ours vêtu de poil de neige,
    De l’aube au...

  • Trois spectres familiers hantent mes heures sombres.
    Sans relâche, à jamais, perpétuellement,
    Du rêve de ma vie ils traversent les ombres.

    Je les regarde avec angoisse et tremblement.
    Ils se suivent, muets comme il convient aux âmes,
    Et mon cœur se contracte et saigne en les nommant.

    Ces magnétiques yeux, plus aigus que des lames,
    Me blessent fibre à...

  • L’Ecclésiaste a dit : Un chien vivant vaut mieux
    Qu’un lion mort. Hormis, certes, manger et boire,
    Tout n’est qu’ombre et fumée. Et le monde est très-vieux,
    Et le néant de vivre emplit la tombe noire.

    Par les antiques nuits, à la face des cieux,
    Du sommet de sa tour, comme d’un promontoire,
    Dans le silence, au loin, laissant planer ses yeux,
    Sombre,...

  • Berger du monde, clos les paupières funèbres
    Des deux chiens d’Yama qui hantent les ténèbres.

    Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
    Ouvre sa tombe heureuse et qu’il s’endorme en elle,
    O terre du repos, douce aux hommes pieux !
    Revêts-le de silence, ô terre maternelle,
    Et mets le long baiser de l’ombre sur ses yeux.

    Que le Berger divin chasse...