• Lorsque la lune vient pleurer
    Sur les tombes des fleurs fidèles
    Mon souvenir vient t'effleurer
    Dans un enveloppement d'ailes.

    Il se fait tard, tu vas dormir
    Les paupières déjà mi-closes...
    Dans l'air des nuits on sent frémir
    L'agonie ardente des roses -

    Sur ton front lourd d'accablement
    Tes cheveux font de légers voiles...
    Dans le...

  • Au retour de dure prison
    Où j'ai laissé presque la vie,
    Se Fortune a sur moi envie
    Jugez s'elle fait méprison !

    Il me semble que, par raison,
    Elle dût bien être assouvie
    Au retour.

    Se si pleine est de déraison
    Que veuille que du tout dévie
    Plaise à Dieu que l'âme ravie
    En soit lassus, en sa maison,
    Au retour !

  • Les heurs crèvent comme une bombe ;
    A l'espoir notre jour qui tombe
    Se mêle avec le confiant.

    Pique aiguille ! assez piqué, piquant !
    Les heurs crèvent comme une bombe.

    Ici-bas tout geint, casse ou pleure ;
    Rien de possible ne demeure
    A ce qui demeurait avant.

    Pique aiguille ! assez piqué, piquant !
    Ici-bas tout geint, casse ou...

  • A Claude Bectone, Dauphinoise.

    Si Amour n'était tant volage
    Ou qu'on le pût voir en tel âge
    Qu'il sût les labeurs estimer,
    On pourrait bien sans mal aimer.

    Si Amour avait connaissance
    De son invincible puissance,
    Laquelle il oit tant réclamer,
    On pourrait bien sans mal aimer.

    Si Amour découvrait sa vue
    Aussi bien qu'il fait...

  • A l'heure du réveil des sèves
    L'Amour, d'un geste las,
    Sème les rimes et les rêves
    Parmi les lis et les lilas.

    La brise, soeur des hirondelles,
    Déferle son essor,
    Et frôle de mille coups d'ailes
    Les corolles d'azur et d'or.

    Amour, pour fêter ta victoire
    Les cieux se sont fleuris,
    Et mai t'auréole de gloire,
    O roi des Roses...

  • Celle qu'adore mon coeur n'est ni brune ni blonde ;
    Pour la peindre d'un seul trait
    C'est le plus charmant objet
    Du monde.

    Cependant de ses beautés le compte est bien facile ;
    On lui voit cinq cents appas,
    Et cinq cents qu'on ne voit pas
    Font mille.

    Sa sagesse et son esprit sont d'une main céleste ;
    Mille attraits m'ont informé...

  • Les demoiselles de ce temps
    Ont depuis peu beaucoup d'amans,
    On dit qu'il n'en manque à personne,
    L'année est bonne.

    Nous avons veû les ans passez,
    Que les galans estoient glacez ;
    Mais maintenant tout en foisonne,
    L'année est bonne.

    Le temps n'est pas bien loin encor
    Qu'ils se vendoient au poids de l'or,
    Et pour le present on les...

  • Brisez-leur pattes et vertèbres,
    Chassez les rats, les rats.
    Et puis versez du froment noir,
    Le soir,
    Dans les ténèbres.

    Jadis, lorsque mon coeur cassa,
    Une femme le ramassa
    Pour le donner aux rats.

    - Brisez-leur pattes et vertèbres.

    Souvent je les ai vus dans l'âtre,
    Taches d'encre parmi le plâtre,
    Qui grignotaient ma...

  • Le crapaud noir sur le sol blanc
    Me fixe indubitablement
    Avec des yeux plus grands que n'est grande sa tête ;
    Ce sont les yeux qu'on m'a volés
    Quand mes regards s'en sont allés,
    Un soir, que je tournai la tête.

    Mon frère ? - il est quelqu'un qui ment,
    Avec de la farine entre ses dents ;
    C'est lui, jambes et bras en croix,
    Qui tourne au loin,...

  • Je les ai vus, je les ai vus,
    Ils passaient, par les sentes,
    Avec leurs yeux, comme des fentes,
    Et leurs barbes, comme du chanvre.

    Deux bras de paille,
    Un dos de foin,
    Blessés, troués, disjoints,
    Ils s'en venaient des loins,
    Comme d'une bataille.

    Un chapeau mou sur leur oreille,
    Un habit vert comme l'oseille ;
    Ils étaient deux...