• Tu m'as pris jeune, simple et beau,
    Joyeux de l'aurore nouvelle ;
    Mais tu m'as montré le tombeau
    Et tu m'as mangé la cervelle.

    Tu fleurais les meilleurs jasmins,
    Les roses jalousaient ta joue ;
    Avec tes deux petites mains
    Tu m'as tout inondé de boue.

    Le soleil éclairait mon front,
    La lune révélait ta forme ;
    Et loin des gloires qui...

  • Je viens de voir ma bien-aimée
    Et vais au hasard, sans desseins,
    La bouche encor tout embaumée
    Du tiède contact de ses seins.

    Mes yeux voient à travers le voile
    Qu'y laisse le plaisir récent,
    Dans chaque lanterne une étoile,
    Un ami dans chaque passant.

    Chauves-souris disséminées,
    Mes tristesses s'en vont en l'air
    Se cacher par les...

  • a May



    Une salle avec du feu, des bougies,

    Des soupers toujours servis, des guitares,

    Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,

    Où l'on causerait pourtant sans orgies.



    Au printemps lilas, roses et muguets,

    En été jasmins, oeillets et tilleuls

    Rempliraient la nuit du grand parc où...

  • Tu me fis d'imprévus et fantasques aveux
    Un soir que tu t'étais royalement parée,
    Haut coiffée, et ruban ponceau dans tes cheveux
    Qui couronnaient ton front de leur flamme dorée.

    Tu m'avais dit "Je suis à toi si tu me veux" ;
    Et, frémissante, à mes baisers tu t'es livrée.
    Sur ta gorge glacée et sur tes flancs nerveux
    Les frissons de Vénus perlaient ta...

  • Je suis encombré des amours perdues,
    Je suis effaré des amours offertes.
    Vous voici pointer, jeunes feuilles vertes.
    Il faut vous payer, noces qui sont dues.

    La neige descend, plumes assidues.
    Hiver en retard, tu me déconcertes.
    Froideur des amis, tu m'étonnes, certes.
    Et mes routes sont désertes, ardues.

    Amours neuves, et vous amours passées...

  • A Laure Bernard.

    C'est l'été. Le soleil darde
    Ses rayons intarissables
    Sur l'étranger qui s'attarde
    Au milieu des vastes sables.

    Comme une liqueur subtile
    Baignant l'horizon sans borne,
    L'air qui du sol chaud distille
    Fait trembloter le roc morne.

    Le bois des arbres éclate.
    Le tigre rayé, l'hyène,
    Tirant leur...

  • Le vent impur des étables
    Vient d'ouest, d'est, du sud, du nord.
    On ne s'assied plus aux tables
    Des heureux, puisqu'on est mort.

    Les princesses aux beaux râbles
    Offrent leurs plus doux trésors.
    Mais on s'en va dans les sables
    Oublié, méprisé, fort.

    On peut regarder la lune
    Tranquille dans le ciel noir.
    Et quelle morale ?......

  • Sonnet

    Je sais faire des vers perpétuels. Les hommes
    Sont ravis à ma voix qui dit la vérité.
    La suprême raison dont j'ai, fier, hérité
    Ne se payerait pas avec toutes les sommes.

    J'ai tout touché : le feu, les femmes, et les pommes ;
    J'ai tout senti : l'hiver, le printemps et l'été
    J'ai tout trouvé, nul mur ne m'ayant arrêté.
    Mais Chance,...

  • En été les lis et les roses
    Jalousaient ses tons et ses poses,

    La nuit, par l'odeur des tilleuls
    Nous nous en sommes allés seuls.

    L'odeur de son corps, sur la mousse,
    Est plus enivrante et plus douce.

    En revenant le long des blés,
    Nous étions tous deux bien troublés.

    Comme les blés que le vent frôle,
    Elle ployait sur mon...

  • Malgré sa folle trahison
    N'est-elle pas encor la même ?
    La fierté n'est plus de saison.
    Je l'aime.

    Je sais qu'elle reste, malgré
    D'impurs contacts, vierge éternelle,
    Qu'aucun venin n'a pénétré
    En elle,

    Marbre trop charnel qui subit
    Toutes souillures, mais les brave ;
    Puisque la pluie, en une nuit,
    Le lave.

    Même...