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    — O mère des vivants, ô terre, ô déité,
    Nul homme plus que moi n'adore ta beauté !
    Il n'est pas de rayon au ciel, et pas de globe,
    Qui me soient plus sacrés qu'une fleur de ta robe.

    — Je me souviens de toi ; sur mes plus hauts sommets
    Un pied plus amoureux ne se posa jamais.
    Je t'ai vu, gravissant mes Alpes solitaires,
    T'abreuver à longs...

  •  
    Fleurissez, beaux lilas ; et vous, charmantes roses,
    Au souffle gracieux des zéphirs caressants,
    Livrez avec amour, de vos fleurs demi-closes,
    Les parfums ravissants !

    L’air est chaud, le ciel bleu, tout renaît et s’anime ;
    Un vague enchantement remplit tout l’univers ;
    Chaque chose a sa voix murmurante ou sublime,
    Chaque être ses concerts....

  • Hélas ! en aucun lieu sous le soleil,
    Bannière au clair, ne s’exaltent les chevauchées
    Des escadrons bondissants et vermeils.
    Tout se passe là-bas, en des plaines transies,
    En France, en Allemagne,...

  • Vous aurez beau crier contre la terre,
    La bouche dans le fossé,
    Jamais aucun des trépassés
    Ne répondra à vos clameurs amères.

    Ils sont bien morts, les morts,
    Ceux qui firent jadis la campagne féconde ;
    Ils font l’immense entassement de morts
    Qui pourrissent, aux quatre coins du monde,
    Les morts.

    Alors

    Vous...

  •  
    En hiver la terre pleure ;
    Le soleil froid, pâle et doux,
    Vient tard, et part de bonne heure,
    Ennuyé du rendez-vous.

    Leurs idylles sont moroses.
    — Soleil ! Aimons ! ― Essayons.
    Ô terre, où donc sont tes roses ?
    — Astre, où donc sont tes rayons ?

    Il prend un prétexte, grêle,
    Vent, nuage noir ou blanc,
    Et dit : ― C’est la nuit...

  •  
    Les filles de la terre ont dit aux fils des hommes :
    « Tout se fane et s’éteint sur la rive où nous sommes.
    Une heure vient, plus sombre, où dans l’urne des fleurs
    Le ciel ne verse plus sa lumière et ses pleurs,
    Où le vent qui s’éveille avec l’aube nouvelle
    Dans leurs souffles d’odeurs ne baigne plus son aile.
    Tout passe ! la vertu, cette rose du...

  •  
    I

    Depuis quatre mille ans il tombait dans l’abîme.

    Il n’avait pas encor pu saisir une cime,
    Ni lever une fois son front démesuré.
    Il s’enfonçait dans l’ombre et la brume, effaré,
    Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
    Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.
    Il tombait foudroyé, morne silencieux,
    Triste, la bouche...

  •  
    La plume, seul débris qui restât des deux ailes
    De l’archange englouti dans les nuits éternelles,
    Etait toujours au bord du gouffre ténébreux.
    Les morts laissent ainsi quelquefois derrière eux
    Quelque chose d’eux-mêmes au seuil de la nuit triste,
    Sorte de lueur vague et sombre, qui persiste.

    Cette plume avait-elle une âme ? qui le sait ?
    Elle...

  •  
    La terre n'était plus qu'une tombe fermée ;
    Masse informe et muette, éteinte, inanimée,
    Elle flottait au rang qu'elle avait occupé,
    Comme un vaisseau muet que la foudre a frappé,
    Quand la main qui le guide est tombée en poussière,
    Suit encore un moment sa rapide carrière,
    Puis chancelle et s'arrête, et de ses flancs déserts
    ...

  • J’ai fumé ma pipe en terre et j’ai vu les bœufs,
    avec la barre au front et le museau morveux,
    résister aux paysans qui leur piquaient la croupe
    par-dessus les cornes — et j’ai vu, douce troupe,
    défiler les brebis touffues aux jambes faibles.
    Le bon chien faisait semblant d’être en colère.
    Et le berger lui criait : Loup ! Viens ! Loup ! Ici !
    Alors le...