• Je regarde sortir les gamins de l’école.
    Tatoués d’encre, et gais, ils traînent en marchant
    Sur les trottoirs jaunis par le soleil couchant,
    Quelque livre en lambeaux qu’unit en vain la colle.

    A cloche-pied, avec des cris aigus, les grands
    Exécutent les pas d’une sauvage danse ;
    D’autres, les tout petits, abandonnent les rangs,
    Pour boire avec délice...

  • Ami, n’épuise pas ton flacon de genièvre :
    Quand on boit, le coup d’œil n’est pas sûr au tiré.
    Viens ! je sais les retraits où se tapit le lièvre,
    Viens ! J’entends les perdrix chanter dans le fourré.

    Les guêtres au mollet ! Boucle ta carnassière !
    Le gibier tiendra bien par ce temps chaud et clair.
    C’est l’heure où les vieux coqs flânent dans la bruyère,...

  • Dans la paisible rue où je passe souvent,
    Un jour d’hiver, devant la porte d’un couvent,
    Je vis avec fracas, s’arrêter des carrosses.
    Tous les chevaux portaient, ainsi que pour des noces,
    Une rose à l’oreille ; et les laquais poudrés
    Et superbes, tout droits sur leurs mollets cambrés,

    Se tenaient à côté des portières ouvertes
    D’où sortaient, de...

  • L’hiver qui vient, tardif et lent,
    Laisse encor les branches flétries
    Briller dans le soleil tremblant
    Sur les arbres des Tuileries.

    Dans le jardin comme autrefois
    Elle suit les vieilles allées,
    Que le souffle des premiers froids
    D’un frisson à peine a troublées.

    Elle tient son fils par la main,
    Ainsi qu’un jeune camarade ;
    L’enfant...

  • L’aïeul, tranquille à l’ombre, aime à lire un vieux livre,
    Quand le soleil du soir empourpre l’horizon ;
    L’active ménagère ordonne sa maison,
    Et se mire, en passant, dans les grands plats de cuivre ;

    Il faut aux bruns enfants que la chaleur enivre
    Des fruits qu’on se dispute assis sur le gazon ;
    Quand viennent les amis, dans la froide saison,
    Il leur...

  • Le grand travail est fait, l’effort est consommé,
    La victoire est gagnée et la paix obtenue,
    La tranquille douceur des soirs est survenue ;
    Pardonnant et priant, le cœur a désarmé !

    L’entier détachement de tous et de soi-même
    A clos le sacrifice et scellé le passé :
    Se pourrait-il qu’un jour tout fût recommencé
    Et qu’on osât rouvrir le décevant poëme...

  • Le soir, lorsque le vent qui souffle des prairies
    Emporte les parfums des luzernes fleuries,
    L’odeur des chênes verts et les senteurs des blés,
    Les cœurs les plus prudents se sont sentis troublés ;
    L’invincible besoin d’aimer qui nous tourmente
    Fait que les moins hardis désirent une amante ;
    Les corps tremblent, saisis de troubles inconnus.
    Les femmes...

  • Dans le ciel du couchant, délicat, tendre et clair,
    Une étoile faisait trembler sa douce flamme,
    Et tes yeux souriants et calmes avaient l’air
    De laisser transparaître et luire ta chère âme.

    Dans ton petit jardin nous marchions pas à pas,
    Et moi je savourais l’émotion profonde
    De sentir sur mon bras s’abandonner ton bras.
    Oh ! dis ! — nous croyais-tu...

  • Tu marchais tout en noir, avec un voile bleu.
    Tes cheveux blonds flottaient, rejetés en arrière ;
    Et le soleil couchant, comme un dernier adieu,
    Laissait dans tes beaux yeux palpiter sa lumière.

    Tu courais sans m’attendre au milieu des taillis.
    Tes pieds foulaient la mousse où tu t’étais assise.
    Les profondeurs du bois, à mes yeux éblouis,
    Te...

  • Il avait la face pâlotte,
    Hors le nez, rouge au renouveau ;
    D’ailleurs ami du vin nouveau,
    Paresseux comme une marmotte.

    Quelque rayon d’humeur falotte
    Lui dansait parfois au cerveau :
    Alors il pleurait comme un veau,
    Entre son grand verre et Charlotte.

    Mais il a tant biberonné,
    Si haut chanté, si bien dîné
    Qu’il est mort « la fleur...