• Le poète est un fou perdu dans l'aventure,
    Qui rêve sans repos de combats anciens,
    De fabuleux exploits sans nombre qu'il fait siens,
    Puis chante pour soi-même et la race future.

    Plus tard, indifférent aux soucis qu'il endure,
    Pauvreté, gloire lente, ennuis élyséens,
    Il se prend en les lacs d'amours patriciens,
    Et son prénom est comme une arrhe de...

  • J'aime ton sourire
    Qui m'accueille si
    Gentiment ! Ainsi

    Le soleil salue
    L'humble fleur des champs
    Échappée aux gens.

    J'aime tes yeux d'ombre
    Et de clarté, beaux
    Comme des tombeaux

    D'enfants et de vierges
    Et j'aime les coins
    De ta bouche moins

    Aimables que drôles
    Pour si bien baiser
    Moi, pour l'...

  • La lune plaquait ses teintes de zinc
    Par angles obtus.
    Des bouts de fumée en forme de cinq
    Sortaient drus et noirs des hauts toits pointus.

    Le ciel était gris. La bise pleurait
    Ainsi qu'un basson.
    Au loin, un matou frileux et discret
    Miaulait d'étrange et grêle façon.

    Moi, j'allais, rêvant du divin Platon
    Et de Phidias,
    Et de...

  • Furieuse, les yeux caves et les seins roides,
    Sappho, que la langueur de son désir irrite,
    Comme une louve court le long des grèves froides,

    Elle songe à Phaon, oublieuse du Rite,
    Et, voyant à ce point ses larmes dédaignées,
    Arrache ses cheveux immenses par poignées ;

    Puis elle évoque, en des remords sans accalmies,
    Ces temps où rayonnait,...

  • Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
    Tournez cent tours, tournez mille tours,
    Tournez souvent et tournez toujours,
    Tournez, tournez au son des hautbois.

    Le gros soldat, la plus grosse bonne
    Sont sur vos dos comme dans leur chambre,
    Car en ce jour au bois de la Cambre
    Les maîtres sont tous deux en personne.

    Tournez, tournez, chevaux de leur...

  • Chair ! ô seul fruit mordu des vergers d'ici-bas,
    Fruit amer et sucré qui jutes aux dents seules
    Des affamés du seul amour, bouches ou gueules,
    Et bon dessert des forts, et leurs joyeux repas,

    Amour ! le seul émoi de ceux que n'émeut pas
    L'horreur de vivre, Amour qui presses sous tes meules
    Les scrupules des libertins et des bégueules
    Pour le pain des...

  • Le piano que baise une main frêle
    Luit dans le soir rose et gris vaguement,
    Tandis qu'un très léger bruit d'aile
    Un air bien vieux, bien faible et bien charmant
    Rôde discret, épeuré quasiment,
    Par le boudoir longtemps parfumé d'Elle.

    Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain
    Qui lentement dorlote mon pauvre être ?
    Que voudrais-tu de moi, doux...

  • En robe grise et verte avec des ruches,
    Un jour de juin que j'étais soucieux,
    Elle apparut souriante à mes yeux
    Qui l'admiraient sans redouter d'embûches ;

    Elle alla, vint, revint, s'assit, parla,
    Légère et grave, ironique, attendrie :
    Et je sentais en mon âme assombrie
    Comme un joyeux reflet de tout cela ;

    Sa voix, étant de la musique fine,...

  • Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
    Je me suis promené dans le petit jardin
    Qu'éclairait doucement le soleil du matin,
    Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle.

    Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble tonnelle
    De vigne folle avec les chaises de rotin...
    Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin
    Et le vieux tremble sa plainte...

  • Murs blancs, toit rouge, c'est l'Auberge fraîche au bord
    Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
    L'Auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.
    Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passe-port.

    Ici l'on fume, ici l'on chante, ici l'on dort.
    L'hôte est un vieux soldat, et l'hôtesse, qui peigne
    Et lave dix marmots roses et pleins de teigne,
    ...