• Henriette, Henriette, hélas ! combien de femmes
    Ont conçu, comme toi, la sainte ambition
    De rendre une âme belle à l’égal de leurs âmes,
    Et meurent, comme toi, de leur déception !

    Oh ! combien, comme toi, pauvre ange au noble rêve !
    S’ensanglantent les pieds, se déchirent les mains
    À vouloir soutenir une lutte sans trêve,
    Et consument leur vie en...

  •  
    Adorablement naturiste,
    Ma mignonne peint dans les bois,
    Aux sons de harpe et de hautbois
    Roucoulés par un ruisseau triste.

    Ingénu, curieux, artiste,
    Et nuit et jour prompt aux effrois,
    Son œil maudit les serpents froids
    Et rit aux bluets d’améthyste.

    Rougeoîment des feuilles de buis,
    Usure verte des vieux puits,
    Lueurs d’...

  •  
    I.

    L’eau sage s’est enclose en des cloisons de verre
    D’où le monde lui soit plus vague et plus lointain ;
    Elle est tiède, et nul vent glacial ne l’aère ;
    Rien d’autre ne se mire en ces miroirs sans tain
    Où, seule, elle se fait l’effet d’être plus vaste
    Et de se prolonger soi-même à l’infini !
    D’être recluse, elle s’épure, devient chaste,...

  •  

    Peuple orageux qui des antres sauvages
                   Sort en fureur,
    De toutes parts nous semons les ravages
                   Et la terreur.

    Allez, nous dit le Dieu qui nous déchaîne,
                   Et nous allons.
    Comme un roseau nous abattons le chêne
                   Dans les vallons.

    Des vastes mers qui séparent les mondes...

  • Ara no vei luzir solelh,
    Tan me son escurzit li rai!
    E ges per aisso no.m esmai,
    C’una clardatz me solelha
    D’amor, qu’ins el cor me raya!
    E, can autra gens s’esmaya,
    Eu melhur enans que sordei,
    Per que mos chans no sordeya.

    Prat me semblon vert e vermelh
    Aissi com el doutz tems de mai !
    Si.m te fin’ amors conhd’ e gai :
    Neus m...

  •  
    Mohammed, qui venait d’épouser Kadidja,
    N’était qu’un chamelier de l’Hedjas ; mais déjà
    Las de voir adorer des idoles ingrates,
    Son esprit méditait les sublimes sourates
    Du Koran et rêvait la grandeur d’un seul Dieu,
    En plein désert, devant l’infini du ciel bleu.

    Or, à l’heure torride où le soleil accable
    Les chameaux et les fait se coucher...

  •  
    Déchiré par le fer, arbre au noble feuillage,
    A l’homme dont la main te mutile et t’outrage,
    Tu n’en verses pas moins ton ombre et ton trésor :
    Le flanc tout sillonné de profondes morsures,
    Par la lèvre béante où saignent tes blessures,
              Ta sève coule en larmes d’or.

    Poète, fais ainsi : sur la tourbe stupide
    Dont l’aveugle fureur t’...

  •  
    Lorsque Mai rougissant rassérène les coeurs
    Et que sourit à tous la terre fécondée,
    Quand sur les verts gazons Chloris mène des choeurs,
    Il fleurit dans le parc un arbre de Judée.

    C'est un arbre tout rose, et sans feuilles d'abord,
    Un tout harmonieux que rien autre n'égale.
    Ses longs rameaux, groupés dans un parfait accord,
    Ont l'air de...

  •  
    (Taedet animam meam vitae meae.)
    JOB

    I

    C’était un beau hêtre. — Il voûtait
    Sa cime dans les bleus fluides,
    Et, tel qu’un chêne saint, datait
    De l’ère auguste des Druides.

    Des sublimes illusions,
    Jacob, Joseph, élus étranges,
    Auraient peuplé de visions
    Cet arbre aux échelles sans anges.

    De ses grands...

  •  
    Je sais, dans ma forêt natale,
    Un arbuste, enfant des hauts lieux :
    Fière est sa tige orientale,
    Fier son feuillage harmonieux.

    Verte et voisine des nuages,
    Sa tête, dans le bleu des airs,
    Fleurit sur les cimes sauvages
    Comme la grâce des déserts.

    Des rochers d’où sa flèche émerge,
    Jusqu’au ciel il porte la voix
    Du furtif...