• Ô combien est heureux qui n'est contraint de feindre,
    Ce que la vérité le contraint de penser,
    Et à qui le respect d'un qu'on n'ose offenser
    Ne peut la liberté de sa plume contraindre !

    Las, pourquoi de ce noeud sens-je la mienne éteindre,
    Quand mes justes regrets je cuide commencer ?
    Et pourquoi ne se peut mon âme dispenser
    De ne sentir son mal ou de s...

  • Tels que l'on vit jadis les enfants de la Terre
    Plantés dessus les monts pour écheller les cieux,
    Combattre main à main la puissance des dieux,
    Et Jupiter contre eux, qui ses foudres desserre :

    Puis tout soudainement renversés du tonnerre
    Tomber deçà delà ces squadrons furieux,
    La Terre gémissante, et le Ciel glorieux
    D'avoir à son honneur achevé cette...

  • Non autrement qu'on voit la pluvieuse nue
    Des vapeurs de la terre en l'air se soulever,
    Puis se courbant en arc, afin de s'abreuver,
    Se plonger dans le sein de Téthys la chenue,

    Et montant derechef d'où elle était venue,
    Sous un grand ventre obscur tout le monde couver,
    Tant que finablement on la voit se crever,
    Or en pluie, or en neige, or en grêle...

  • Esprit royal, qui prends de lumière éternelle
    Ta seule nourriture et ton accroissement,
    Et qui de tes beaux rais en notre entendement
    Produis ce haut désir qui au ciel nous rappelle,

    N'aperçois-tu combien par ta vive étincelle
    La vertu luit en moi ? n'as-tu point sentiment
    Par l'oeil, l'ouïe, l'odeur, le goût, l'attouchement,
    Que sans toi ne reluit...

  • Je vis haut élevé sur colonnes d'ivoire,
    Dont les bases étaient du plus riche métal,
    A chapiteaux d'albâtre et frises de cristal,
    Le double front d'un arc dressé pour la mémoire.

    A chaque face était portraite une victoire,
    Portant ailes au dos, avec habit nymphal,
    Et haut assise y fut sur un char triomphal
    Des empereurs romains la plus antique gloire....

  • Ne pense pas, Bouju, que les nymphes latines
    Pour couvrir leur traïson d'une humble privauté,
    Ni pour masquer leur teint d'une fausse beauté,
    Me fassent oublier nos nymphes angevines.

    L'angevine douceur, les paroles divines,
    L'habit qui ne tient rien de l'impudicité,
    La grâce, la jeunesse et la simplicité
    Me dégoûtent, Bouju, de ces vieilles...

  • Je ne découvre ici les mystères sacrés
    Des saints prêtres romains, je ne veux rien écrire
    Que la vierge honteuse ait vergogne de lire,
    Je veux toucher sans plus aux vices moins secrets.

    Mais tu diras que mal je nomme ces Regrets,
    Vu que le plus souvent j'use de mots pour rire :
    Et je dis que la mer ne bruit toujours son ire,
    Et que toujours Phoebus...

  • Je hais du Florentin l'usurière avarice,
    Je hais du fol Siennois le sens mal arrêté,
    Je hais du Genevois la rare vérité,
    Et du Vénitien la trop caute malice :

    Je hais le Ferrarais pour je ne sais quel vice,
    Je hais tous les Lombards pour l'infidélité,
    Le fier Napolitain pour sa grand' vanité,
    Et le poltron romain pour son peu d'exercice :

    ...

  • Si les larmes servaient de remède au malheur,
    Et le pleurer pouvait la tristesse arrêter,
    On devrait, Seigneur mien, les larmes acheter,
    Et ne se trouverait rien si cher que le pleur.

    Mais les pleurs en effet sont de nulle valeur :
    Car soit qu'on ne se veuille en pleurant tourmenter,
    Ou soit que nuit et jour on veuille lamenter,
    On ne peut divertir le...

  • Que n'ai-je encor la harpe thracienne,
    Pour réveiller de l'enfer paresseux
    Ces vieux Césars, et les ombres de ceux
    Qui ont bâti cette ville ancienne ?

    Ou que je n'ai celle amphionienne,
    Pour animer d'un accord plus heureux
    De ces vieux murs les ossements pierreux,
    Et restaurer la gloire ausonienne ?

    Pussé-je au moins d'un pinceau plus agile...