Voici ce que je vis : Les arbres sur ma route
Fuyaient mêlés, ainsi qu'une armée en déroute,
Et sous moi, comme ému par les vents soulevés,
Le sol roulait des flots de glèbe et de pavés !
Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes
Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes
En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux
De moutons...
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Qu'ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain.
Que me servait que tant de connaissances
A mon esprit vinssent donner l'essor,
On n'a pas besoin des sciences,
Lorsque l'on vit dans l'âge d'or !
Mon coeur encore tendre et novice,
Ne connaissait pas... -
Une amoureuse flamme
Consume mes beaux jours ;
Ah ! la paix de mon âme
A donc fui pour toujours !
Son départ, son absence
Sont pour moi le cercueil ;
Et loin de sa présence
Tout me paraît en deuil.
Alors, ma pauvre tête
Se dérange bientôt ;
Mon faible esprit s'arrête,
Puis se glace aussitôt.
Une amoureuse... -
Où sont nos amoureuses ?
Elles sont au tombeau .
Elles sont plus heureuses,
Dans un séjour plus beau !
Elles sont près des anges,
Dans le fond du ciel bleu,
Et chantent les louanges
De la mère de Dieu !
Ô blanche fiancée !
Ô jeune vierge en fleur !
Amante délaissée,
Que flétrit la douleur !
L'éternité profonde
... -
Élégie
Par mon amour et ma constance,
J'avais cru fléchir ta rigueur,
Et le souffle de l'espérance
Avait pénétré dans mon coeur ;
Mais le temps, qu'en vain je prolonge,
M'a découvert la vérité,
L'espérance a fui comme un songe...
Et mon amour seul m'est resté !
Il est resté comme un abîme
Entre ma vie et le bonheur,
Comme un... -
César a fermé la paupière ;
Au jour doit succéder la nuit ;
Que s'éteigne toute lumière,
Que s'évanouisse tout bruit.
A travers ces arcades sombres,
Enfants aux folles passions,
Disparaissez comme des ombres,
Fuyez comme des visions.
Allez, que le caprice emporte
Chaque àme selon son désir,
Et que, close après vous, la porte... -
Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu'elle a vu naître ;
Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
Comme un loup fait un boeuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d'une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher !
Bien des hommes, de tous les pays de la terre
Viendront... -
Le vieux père en tremblant ébranlait l'univers.
Isis, la mère enfin se leva sur sa couche,
Fit un geste de haine à son époux farouche,
Et l'ardeur d'autrefois brilla dans ses yeux verts.
"Regardez-le ! dit-elle, il dort, ce vieux pervers,
Tous les frimas du monde ont passé par sa bouche,
Prenez garde à son pied, éteignez son oeil louche,
C'est le roi... -
La Treizième revient... C'est encor la première ;
Et c'est toujours la Seule, - ou c'est le seul moment :
Car es-tu Reine, ô Toi! la première ou dernière ?
Es-tu Roi, toi le seul ou le dernier amant ? ...
Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j'aimai seul m'aime encor tendrement :
C'est la Mort - ou la Morte... Ô délice ! ô tourment !... -
Où fuir ? Où me cacher ? Quel déluge d'écrits,
En ce siècle falot vient infecter Paris,
En vain j'ai reculé devant le Solitaire,
Ô Dieu du mauvais goût ! Faut-il donc pour te plaire
Entasser des grands mots toujours vides de sens,
Chanter l'homme des nuits, ou l'esprit des torrents,
Mais en vain j'ai voulu faire entrer dans ma tête,
La foudre qui soupire...