• Prenant pour guide clair l'astre qu'était son âme,
    A travers des pays d'ouragans et de flammes,
    Il s'en était allé si loin vers l'inconnu
    Que son siècle vieux et chenu,
    Toussant la peur, au vent trop fort de sa pensée,
    L'avait férocement enseveli sous la risée.

    Il en était ainsi, depuis des tas d'années
    Au long des temps échelonnées,
    Quand un matin...

  • Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,
    Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,
    Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,
    La sueur les mouillant et coulant au pétrin.

    Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte,
    Leur gorge remuait dans les corsages pleins.
    Leurs deux poings monstrueux pataugeaient dans la pâte...

  • Pauvres vieilles cités par les plaines perdues,
    Dites de quel grand plan de gloire,
    Vers la vie humble et dérisoire,
    Toutes, vous voilà descendues.

    Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
    Ni ce que disent aux nuées
    Tant de pierres destituées
    De leur ancien et bel orgueil,

    Vos carrefours, vos grand'places et votre port,
    ...

  • S'il était vrai
    Qu'une fleur des jardins ou qu'un arbre des prés
    Pût conserver quelque mémoire
    Des amants d'autrefois qui les ont admirés
    Dans leur fraîcheur ou dans leur gloire
    Notre amour s'en viendrait
    En cette heure du long regret
    Confier à la rose ou dresser dans le chêne
    Sa douceur ou sa force avant la mort prochaine.

    Il...

  • Je noie en tes deux yeux mon âme tout entière
    Et l'élan fou de cette âme éperdue,
    Pour que, plongée en leur douceur et leur prière,
    Plus claire et mieux trempée, elle me soit rendue.

    S'unir pour épurer son être
    Comme deux vitraux d'or en une même abside
    Croisent leurs feux différemment lucides
    Et se pénètrent !

    Je suis parfois si lourd, si...

  • Près du fleuve roulant vers l'horizon ses ors
    Et ses pourpres et ses vagues entre-frappées,
    S'ouvre et rayonne, ainsi qu'un grand faisceau d'épées,
    L'abside ardente avec ses sveltes contreforts.

    La nef allume auprès ses merveilleux décors :
    Ses murailles de fer et de granit drapées,
    Ses verrières d'émaux et de bijoux jaspées
    Et ses cryptes, où sont...

  • Lorsque s'épand sur notre seuil la neige fine
    Au grain diamanté,
    J'entends tes pas venir rôder et s'arrêter
    Dans la chambre voisine.

    Tu retires le clair et fragile miroir
    Du bord de la fenêtre,
    Et ton trousseau de clefs balle au long du tiroir
    De l'armoire de hêtre.

    J'écoute et te voici qui tisonnes le feu
    Et réveilles les braises...

  • Viens jusqu'à notre seuil répandre
    Ta blanche cendre
    Ô neige pacifique et lentement tombée :
    Le tilleul du jardin tient ses branches courbées
    Et plus ne fuse au ciel la légère calandre.

    Ô neige,
    Qui réchauffes et qui protèges
    Le blé qui lève à peine
    Avec la mousse, avec la laine
    Que tu répands de plaine en plaine !
    Neige silencieuse...

  • Où vont les vieux paysans noirs
    Par les chemins en or des soirs ?

    A grands coups d'ailes affolées,
    En leurs toujours folles volées,
    Les moulins fous fauchent le vent.

    Le cormoran des temps d'automne
    jette au ciel triste et monotone
    Son cri sombre comme la nuit.

    C'est l'heure brusque de la terreur,
    Où passe, en son charroi d'horreur...

  • Un soir plein de pourpres et de fleuves vermeils
    Pourrit, par au-delà des plaines diminuées,
    Et fortement, avec les poings de ses nuées,
    Sur l'horizon verdâtre, écrase des soleils.
    Saison massive! Et comme Octobre, avec paresse
    Et nonchaloir, se gonfle et meurt dans ce décor
    Pommes ! caillots de feu ; raisins ! chapelets d'or,
    Que le doigté tremblant des...