À Edgar Poe.
Dans l'herbe folle et l'ortie,
La paupière appesantie,
Rôde un chat maigre au poil roux.
Le mur dans l'ombre blafarde,
Où s'entrechoquent des houx,
Se crevasse et par les trous
La lune errante regarde.
Le chat maigre en s'étirant
De sa voix traînante et rauque
Miaule, et dans son oeil glauque
S'allume...
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Le front ceint de fucus et de corail amer,
Parmi la floraison des glauques madrépores,
Galatée apparaît sous les voûtes sonores
De la grotte, qu'emplit le rire de la Mer.
Des coquilles de nacre et des algues charnues
Se meuvent lentement autour d'elle, et l'azur
De ses grands yeux contemple au fond de l'antre obscur
Des coins d'ombre hantés de frêles... -
Enchanteurs et sorciers, Mantegna, Léonard !
Des sourires de femme apparus dans les Louvre
Plus d'un porte une plaie au flanc, qui pleure et s'ouvre
Et lui fait un front blème et le geste hagard.
Ce bleu sombre et profond du ciel dans le regard,
Ces lèvres de Vinci férocement royales,
Ces cheveux roux nimbés de perles et d'opales
Ont fait de ma... -
Pour Gustave Moreau.
La Chimère indomptable aux yeux profonds et bleus,
Abîmes rayonnants dans un visage d'homme,
Des lointaines Memphis aux Babels qu'on renomme,
Droite, appuie au Zénith ses quatre pieds en feux.
Son poitrail qui se cabre et ses jarrets nerveux
Emportent par le gouffre, où l'air siffle et s'enflamme,
Lascif et douloureux, un... -
"Sois charmante et tais-toi." (Beaudelaire)
C'est une Dame étrange et sombre en bronze vert,
Dans sa lividité comme décomposée,
Et gardant sur le socle, où sa tète est posée,
L'effroi d'un grand oeil blême, aveugle et large ouvert.
Parmi les bouquets blancs, encor lourds de rosée,
Elle vit, noire idole, et sous le double éclair
Des prunelles... -
Beauté tragique et vénéneuse,
Genèvre, Ô pale empoisonneuse
Dont les refus lents et savants
M'ont appris l'amère ironie
Des vains désirs à l'agonie
De l'amour même survivants,
Je hais et maudis ta mémoire,
Coupe d'or où ne veut plus boire
Mon coeur las, altéré d'oubli.
Déjà lointaine comme un songe,
Tu n'étais plus qu'un... -
Sous un grand chaperon de peluche écarlate,
Un clair escoffion brodé de perles rondes
Enserre un front de vierge aux courtes mèches blondes,
Une vierge à la fois féroce et délicate.
Des chaînons ciselés, des colliers, vieux ors mats
Bossués de saphirs et de gemmes sanglantes,
Étreignent un cou mince aux inclinaisons lentes,
Jaillissant comme un lys d... -
Dans un corps baleiné, renflé comme un ciboire,
Tout de satins crémeux et d'opaques velours,
C'est une dame étrange aux traits heurtés et courts,
D'une laideur fantasque et rare de grimoire.
En sa jupe espagnole à la fois blanche et noire
Elle a l'air de sourire aux baroques amours
Et montre avec orgueil, entre les tuyaux lourds
De sa fraise, une... -
À Alphonse Daudet.
Ma vie, où des vols de colombes
Neigeaient autrefois dans l'azur,
Est un jardin rempli de tombes
Avec des hiboux sur son mur.
Les mornes oiseaux d'heure en heure
S'éveillent au fond des cyprès,
Et chacun d'eux ulule et pleure
Sur mes vaeux devenus regrets.
Leur cri lugubre et monotone
Chante les... -
Sous la lune bleue aux caresses molles,
Par le clair obscur des bois épineux,
Le Printemps s'avance aux sons lumineux
Des flûtes mêlées aux voix des citholes.
Entre des fronts blancs nimbés d'auréoles
Et des yeux rieurs d'enfants curieux,
Il passe à pas lents et mystérieux,
Et sur ses pieds nus pleuvent des corolles.
Cresson argenté,...