• Un pâle clair de lune allonge sur la grève
    L'ombre de hauts clochers et de grands toits, où rêve
    Tout un choeur de géants et d'archanges ailés.

    Pourtant la ville est loin, à plus de deux cents lieues ;
    La dune est solitaire et les toits dentelés,
    Les clochers, les pignons et les murs crénelés,
    Sur le sable et les flots montent en ombres bleues.
    ...

  • Portant dans ses bras nus ses deux enfants jumeaux,
    Le Sommeil et la Mort, la Nuit pensive et douce
    D'un vol auguste et calme, égal et sans secousse,
    Glisse au-dessus des monts, des mers et des hameaux.

    Sous ses longs voiles noirs étincelants d'émaux
    Elle allaite ses fils, et de sa toison rousse,
    Astre au cieux, d'un torrent d'étoiles éclabousse
    L'...

  • Les bras nus cerclés d'or et froissant le brocart
    De sa robe argentée aux taillis d'aubépines,
    Mélusine apparaît entre les herbes fines,
    Les cheveux révoltés, saignante et l'oeil hagard.

    La splendeur de sa gorge éblouit le regard
    Et l'émail de ses dents a des clartés divines ;
    Mais Mélusine est folle et fait dans les ravines
    Paître au pied des sapins la...

  • C'était un grand bois calme aux troncs baignés d'azur.
    Une tête d'angoisse aux yeux d'illuminée
    Flambants et bleus, pensive et de pleurs ravinée,
    S'y dressait, fleur de songe, au fond du clair-obscur.

    Tête de sainte errante ou de suppliciée ...
    Une énorme couronne au bois piquant et dur,
    La couronne du Christ étreignait ce front pur
    Et doux,...

  • Ni les douces langueurs des flùtes et des lyres,
    Ni les parfums mourants des vagues encensoirs
    En cadence envolés dans le calme des soirs,
    Ni les bras frais et nus ni les savants sourires

    Ne peuvent rallumer le feu des vains espoirs
    En mon coeur et, lassé d'amours et de délires
    Factices, blond éphèbe effroi des hétaïres
    Jalouses, j'ai posé mon front...

  • Pour Théophile Gautier

    Sous leurs feuilles glauques et lisses,
    Les blancs nénuphars allemands
    Bercent au fond de leurs calices
    Des contes païens et charmants.

    Le groupe enlacé des naïades,
    Sous le fleuve entraînant Hylas,
    Y chante à travers les ballades,
    Divin écho de l'Eurotas.

    L'urne crétoise au flanc sonore,
    Que l'eau...

  • Pour Léon Cladel

    Linus aux bois de Crète errant parmi les branches
    Voyait fuir et tourner de vagues formes blanches
    Qui riaient ; et des pieds nus, dansant sur le thym

    Et la menthe sauvage, égaraient Théocrite
    En Sicile. En Bretagne, au temps d'un roi lointain,
    Viviane, en riant de son rire argentin,
    Pour captiver un mage évoquait un vieux rite...

  • Le long des marbres noirs et des sombres portiques,
    Bordant du pâle Hadès les quais silencieux,
    L'éphèbe éblouissant et l'espoir dans les yeux
    Descend d'un pas léger les trois degrés mystiques.

    Fort de la calme foi des calmes temps antiques,
    Il sait que chez les morts, séjours mystérieux,
    Le héros chaste et nu trouve sous d'autres cieux
    Les palmes...

  • À Jean Richepin

    Par la forêt et la ravine,
    La lèvre rouge et les fronts bruns
    Les zingaris, fils des vieux Huns,
    Vont chevauchant, tribu divine.

    Ils ouvrent au vent leur narine
    Et mordent aux fruits des nerpruns,
    Qui saignent, et les grands parfums
    Des bois imprègnent leur poitrine.

    Drapés dans des manteaux déteints,
    Et...

  • À Jean Richepin.

    Toi, tu dois les aimer, les grands ciels de septembre,
    Profonds, brûlants d'or vierge et trempés d'outremer.
    Où dans leurs cheveux roux les naïades d'Henner
    Tendent éperdument leur buste qui se cambre.

    La saveur d'un fruit mûr et la chaleur de l'ambre
    Vivent dans la souplesse et l'éclat de leur chair,
    Et le désir de mordre...