• Le noir château, couvert de chiffres et d’emblèmes
    Et ceint des froides fleurs dormant sur les eaux blêmes,
    En un doux ciel humide effile ses toits bleus.
    Dans le parc, où jadis on vit flotter des fées,
    Les Nymphes, par le lierre en leur marbre étouffées,
    Méditent longuement leurs amours fabuleux.

    Déjà des vieux tilleuls les premières rangées
    Versent...

  • Tout dans l'immuable Nature
    Est miracle aux petits enfants :
    Ils naissent, et leur âme obscure
    Éclôt dans des enchantements.

    Le reflet de cette magie
    Donne à leur regard un rayon.
    Déjà la belle illusion
    Excite leur frêle énergie.

    L'inconnu, l'inconnu divin,
    Les baigne comme une eau profonde;
    On les presse, on leur parle en vain :...

  • Les choses de l’amour ont de profonds secrets.
    L’instinct primordial de l’antique Nature
    Qui mêlait les flancs nus dans le fond des forêts
    Trouble l’épouse encor sous sa riche ceinture ;
    Et, savante en pudeur, attentive à nos lois,
    Elle garde le sang de l’Ève des grands bois.

  • Je sais la vanité de tout désir profane.
    À peine gardons-nous de tes amours défunts,
    Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
    Y laisse d’âme et de parfums.

    Ils n’ont, les plus beaux bras, que des chaînes d’argile,
    Indolentes autour du col le plus aimé ;
    Avant d’...

  • Auguste regardait pensif couler le Tibre ;
    Il songeait aux Germains : ce peuple pur et libre
    L’étonnait ; ces gens-là lui causaient quelque effroi :
    Ils avaient de grands cœurs et n’avaient pas de roi.
    César trouvait mauvais qu’ils pussent se permettre
    D’être fiers, et de vivre insolemment sans maître.
    Puis le bon César prit pitié de leur erreur
    ...

  • Dans les siècles de foi, surtout dans les derniers,
    La grand’ danse macabre était fréquemment peinte
    Au vélin des missels comme aux murs des charniers.

    Je crois que cette image édifiante & sainte
    Mettait un peu d’espoir au fond du désespoir,
    Et que les pauvres gens la regardaient sans crainte.

    Ce n’est pas que la mort leur fût douce à prévoir ;
    ...

  • La roule est lente, hélas ! de la ville à la mer
    Et la fatigue est prompte et le pain est amer
    A qui le va gagner dans les cités avares.
    Les poissons à présent, plus maigres et plus rares,

    N’appesantissent plus ma nasse et mon filet
    D’où jadis une proie abondante roulait,
    Espoir d’un riche gain, dans ma barque joyeuse.
    Les Dieux n’assistent plus ma...

  • Elle a des yeux d’acier ; ses cheveux noirs et lourds
    Ont le lustre azuré des plumes d’hirondelle ;
    Blanche à force de nuit amassée autour d’elle,
    Elle erre sur les monts et dans les carrefours.

    Et nocturne, elle emporte à travers les cieux sourds,
    Dans le champ sépulcral où fleurit l’asphodèle,
    La pâle jeune fille idéale, et fidèle
    À quelque rêve...

  • Sous les molles pâleurs qui voilaient en silence
    La falaise, la mer et le sable, dans l’anse
    Les embarcations se réveillaient déjà.
    Du gouffre oriental le soleil émergea
    Et couvrit l’Océan d’une nappe embrasée.
    La dune au loin sourit, ondoyante et rosée.
    On voyait des éclairs aux vitres des maisons.
    Au sommet des coteaux les jeunes frondaisons
    ...

  • Maître Laurent Coster, cœur plein de poésie,
    Quitte les compagnons qui du matin au soir,
    Vignerons de l’esprit, font gémir le pressoir ;
    Et Coster va rêvant selon sa fantaisie.

    Car il aime d’amour le démon Aspasie.
    Sur son banc, à l’église, il va parfois s’asseoir,
    Et voit flotter dans la vapeur de l’encensoir
    La dame de l’enfer que son âme a choisie...