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    Après vingt ans d’exil, de cet exil impie
    Où l’oubli de nos cœurs enchaîne seul nos pas,
    Où la fragilité de nos regrets s’expie,
    Après vingt ans d’exil que je ne comptais pas,

    J’ai revu la maison lointaine et bien-aimée
    Où je rêvais, enfant, de soleils sans déclin,
    Où je sentais mon âme à tous les maux fermée
    Et dont, un jour de deuil, je...

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    LES morts ont peur de l’automne
    Qui, chassant l’été vermeil,
    Fait autour de leur sommeil
    Souffler son vent monotone.

    Les feuilles dont le velours
    Rouillé par la canicule,
    Sur leur gazon s’accumule
    Leur font leurs linceuls plus lourds.

    Dans le brouillard où leurs tombes
    Semblent déjà s’effacer,
    Ils n’entendent plus passer...

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    À MADEMOISELLE ROUSSEL

    I

    CELUI qui passait triomphant
    Debout dans sa grâce farouche,
    Sous l’or de ses cheveux d’enfant
    Dont le flot attirait ma bouche,
    Celui dont la feinte douceur
    M’atteignit de blessures telles,
    C’était Phaon le beau chasseur
    Dont les flèches étaient mortelles !

    II

    Comme Phoebus, l’...

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    IL n’est chansons qu’au temps d’avril
    Quand, sur les lilas en péril,
    Le vent frileux palpite et pleure.
    Il n’est chansons qu’au matin clair
    Où, dans la caresse de l’air,
    Tinte la jeunesse de l’heure !

    Il n’est amour qu’au temps de mai
    Quand la rose au cœur parfumé
    S’ouvre aux souffles tièdes des grèves.
    Il n’est amour qu’au soir...

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    Las des rapides jours et des lentes années,
    Des soirs tristes, des nuits mornes, des gais matins,
    Vers les Temps éternels, continus et lointains
    Que ne troubleront plus les heures obstinées,

    Vers les Temps éternels mon rêve s’est enfui
    Par delà l’horizon des sépultures vaines,
    Vers les Temps éternels dont les douleurs humaines
    Ne mesureront...

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    À OGIER D’IVRY

    AVEC ses grands yeux noirs et sa bouche de mûre,
    Et de ses lourds cheveux la nocturne toison,
    Elle a mis dans mon cœur l’effroyable poison
    Dont on aime à souffrir malgré qu’on en murmure.

    Astre pâle qu’on voit à travers la ramure
    D’un seul rayon, sa flamme a fondu ma raison.
    O Femme épanouie en pleine floraison...

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    DANS les grands bois que l’automne
    A lentement dépouillés,
    Sous les arbres effeuillés
    Que berce un vent monotone,

    Devant les tristes couchants
    Rayés de pourpre et de cuivre,
    Mon souvenir aime à suivre
    Le déclin des jours penchants.

    Des langueurs d’aube pâlie,
    En passant dans l’air du soir,
    Mêlent un frisson du soir
    A...

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    À CHARLES CANIVET

    QUAND la mort nous fera roides et sans haleine,
    Squelettes tous les deux, l’un à l’autre pareils,
    Et que, pour d’autres yeux, le penchant des soleils
    Roulera des flots d’or sur la mouvante plaine ;

    A l’heure où le berger sous son manteau de laine
    Se dresse, morne et droit, sur les couchants vermeils,
    La Nuit...

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    Errant sous le dôme emperlé
    Des verdures ensommeillées ;
    Parfois, au sortir des feuillées,
    L’œil clair des sources m’a troublé.

    — L’eau regarde : — et l’aurore éveille,
    Dans ce regard lent et discret,
    Comme l’étonnement secret
    D’un jeune esprit qui s’émerveille.

    Comme en un rêve de candeur,
    L’eau regarde, et l’étrange flamme...

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    GRAND artiste couché sous la terre éplorée,
    Vaincu frappé debout sous la pierre étendu,
    Rêveur déchu du haut de ton rêve éperdu,
    Je veux chanter envers ta mémoire sacrée.

    L’outil dur des graveurs dans la main inspirée,
    Comme un stylet de feu vers l’idéal tendu,
    De l’âpre vérité fouillant le ciel ardu,
    Y traça dans l’art pur, une route ignorée...