• I

    Le nez rouge, la face blême,
    Sur un pupitre de glaçons,
    L'Hiver exécute son thème
    Dans le quatuor des saisons.

    Il chante d'une voix peu sûre
    Des airs vieillots et chevrotants ;
    Son pied glacé bat la mesure
    Et la semelle en même temps ;

    Et comme Haendel, dont la perruque
    Perdait sa farine en tremblant,
    Il fait...

  • Il est un vieil air populaire
    Par tous les violons raclé,
    Aux abois des chiens en colère
    Par tous les orgues nasillé.

    Les tabatières à musique
    L'ont sur leur répertoire inscrit ;
    Pour les serins il est classique,
    Et ma grand'mère, enfant, l'apprit.

    Sur cet air, pistons, clarinettes,
    Dans les bals aux poudreux berceaux,
    Font...

  • J'étais monté plus haut que l'aigle et le nuage ;
    Sous mes pieds s'étendait un vaste paysage,
    Cerclé d'un double azur par le ciel et la mer ;
    Et les crânes pelés des montagnes géantes
    En foule jaillissaient des profondeurs béantes,
    Comme de blancs écueils sortant du gouffre amer.

    C'était un vaste amas d'éboulements énormes,
    Des rochers grimaçant...

  • Une flamme jetant une clarté bleuâtre,
    Comme celle du punch, éclairait le théâtre.
    - C'était un carrefour dans le milieu d'un bois.
    Les nécromants en robe et les sorcières nues,
    A cheval sur leurs boucs, par les quatre avenues,
    Des quatre points du vent débouchaient à la fois.
    Les approfondisseurs de sciences occultes,
    Faust de tous les pays, mages de...

  • Dans ce bourg autrefois vivait, dit la chronique,
    Une méchante femme ayant nom Véronique ;
    Chacun la redoutait, et répétait tout bas
    Qu'on avait entendu des murmures étranges
    Autour de sa demeure, et que de mauvais anges
    Venaient pendant la nuit y prendre leurs ébats.
    - C'étaient des bruits sans nom inconnus à l'oreille,
    Comme la voix d'un mort qu'en sa...

  • Je veille, unique sentinelle
    De ce grand palais dévasté,
    Dans la solitude éternelle,
    En face de l'immensité.

    A l'horizon que rien ne borne,
    Stérile, muet, infini,
    Le désert sous le soleil morne,
    Déroule son linceul jauni.

    Au-dessus de la terre nue,
    Le ciel, autre désert d'azur,
    Où jamais ne flotte une nue,
    S'étale...

  • Ne me sois pas marâtre, ô nature chérie,
    Redonne un peu de sève à la plante flétrie
    Qui ne veut pas mourir ;
    Les torrents de mes yeux ont noyé sous leur pluie
    Son bouton tout rongé que nul soleil n'essuie
    Et qui ne peut s'ouvrir.

    Air vierge, air de cristal, eau, principe du monde,
    Terre qui nourris tout, et toi, flamme féconde,
    Rayon de l'oeil de...

  • La caravane humaine au Sahara du monde,
    Par ce chemin des ans qui n'a pas de retour,
    S'en va traînant le pied, brûlée aux feux du jour,
    Et buvant sur ses bras la sueur qui l'inonde.

    Le grand lion rugit et la tempête gronde ;
    A l'horizon fuyard, ni minaret, ni tour ;
    La seule ombre qu'on ait, c'est l'ombre du vautour,
    Qui traverse le ciel cherchant sa...

  • Sur les tuiles où se hasarde
    Le chat guettant l'oiseau qui boit,
    De mon balcon une mansarde
    Entre deux tuyaux s'aperçoit.

    Pour la parer d'un faux bien-être,
    Si je mentais comme un auteur,
    Je pourrais faire à sa fenêtre
    Un cadre de pois de senteur,

    Et vous y montrer Rigolette
    Riant à son petit miroir,
    Dont le tain rayé ne reflète...

  • On ne voit en passant par les Landes désertes,
    Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
    Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes
    D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc,

    Car, pour lui dérober ses larmes de résine,
    L'homme, avare bourreau de la création,
    Qui ne vit qu'aux dépens de ceux qu'il assassine,
    Dans son tronc...