• Prenez garde, mes fils, côtoyez moins le bord,
    Suivez le fond de la rivière ;
    Craignez la ligne meurtrière,
    Ou l'épervier plus dangereux encor.
    C'est ainsi que parlait une carpe de Seine
    A de jeunes poissons qui l'écoutaient à peine.
    C'était au mois d'avril : les neiges, les glaçons,
    Fondus par les zéphyrs, descendaient des montagnes.
    Le fleuve, enflé...

  • La vérité, toute nue,
    Sortit un jour de son puits.
    Ses attraits par le temps étaient un peu détruits ;
    Jeune et vieux fuyaient à sa vue.
    La pauvre vérité restait là morfondue,
    Sans trouver un asile où pouvoir habiter.
    A ses yeux vient se présenter
    La fable, richement vêtue,
    Portant plumes et diamants,
    La plupart faux, mais très brillants.
    Eh !...

  • Aidons-nous mutuellement,
    La charge des malheurs en sera plus légère ;
    Le bien que l'on fait à son frère
    Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
    Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine.
    Pour la persuader aux peuples de la Chine,
    Il leur contait le trait suivant.

    Dans une ville de l'Asie
    Il existait deux malheureux,
    L'un perclus,...

  • Un enfant élevé dans un pauvre village
    Revint chez ses parents, et fut surpris d'y voir
    Un miroir.
    D'abord il aima son image ;
    Et puis, par un travers bien digne d'un enfant,
    Et même d'un être plus grand,
    Il veut outrager ce qu'il aime,
    Lui fait une grimace, et le miroir la rend.
    Alors son dépit est extrême ;
    Il lui montre un poing menaçant,
    Il...

  • Plaisir d'amour ne dure qu'un moment,
    Chagrin d'amour dure toute la vie.

    J'ai tout quitté pour l'ingrate Sylvie,
    Elle me quitte et prend un autre amant.
    Plaisir d'amour ne dure qu'un moment,
    Chagrin d'amour dure toute la vie.

    Tant que cette eau coulera doucement
    Vers ce ruisseau qui borde la prairie,
    Je t'aimerai, me répétait Sylvie ;
    L'...

  • Deux jeunes bacheliers logés chez un docteur
    Y travaillaient avec ardeur
    A se mettre en état de prendre leurs licences.
    Là, du matin au soir, en public disputant,
    Prouvant, divisant, ergotant
    Sur la nature et ses substances,
    L'infini, le fini, l'âme, la volonté,
    Les sens, le libre arbitre et la nécessité,
    Ils en étaient bientôt à ne plus se comprendre :...

  • Colin gardait un jour les vaches de son père ;
    Colin n'avait pas de bergère,
    Et s'ennuyait tout seul. Le garde sort du bois :
    Depuis l'aube, dit-il, je cours dans cette plaine
    Après un vieux chevreuil que j'ai manqué deux fois
    Et qui m'a mis tout hors d'haleine.
    Il vient de passer par là-bas,
    Lui répondit Colin : mais, si vous êtes las,
    Reposez-vous,...

  • Un jour, causant entre eux, différents animaux
    Louaient beaucoup le ver à soie.
    Quel talent, disaient-ils, cet insecte déploie
    En composant ces fils si doux, si fins, si beaux,
    Qui de l'homme font la richesse !
    Tous vantaient son travail, exaltaient son adresse.
    Une chenille seule y trouvait des défauts,
    Aux animaux surpris en faisait la critique,
    Disait...

  • Deux frères jardiniers avaient par héritage
    Un jardin dont chacun cultivait la moitié ;
    Liés d'une étroite amitié,
    Ensemble ils faisaient leur ménage.
    L'un d'eux, appelé Jean, bel esprit, beau parleur,
    Se croyait un très grand docteur ;
    Et Monsieur Jean passait sa vie
    A lire l'almanach, à regarder le temps
    Et la girouette et les vents.
    Bientôt,...

  • L'aimable et tendre Philomèle,
    Voyant commencer les beaux jours,
    Racontait à l'écho fidèle
    Et ses malheurs et ses amours.
    Le plus beau paon du voisinage,
    Maître et sultan de ce canton,
    Elevant la tête et le ton,
    Vint interrompre son ramage :
    C'est bien à toi, chantre ennuyeux,
    Avec un si triste plumage,
    Et ce long bec, et ces gros yeux,
    De...