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    Qu’est-ce tranchant de fer souple, affilé, pointu ?
    Ce ne sont pas les flancs de la terre qu’il fouille,
    Ni les pierres qu’il fend, ni les bois qu’il dépouille.
    Quel art a-t-il servi, quel fléau combattu ?

    Est-ce un outil ? Non pas ! car l’homme de vertu
    L’abhorre : ce n’est pas la sueur qui le mouille,
    Et ce qu’on aime en lui, c’est la plus longue...

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    Elle est fragile à caresser,
    L’épousée au front diaphane,
    Lis pur qu’un rien ternit et fane,
    Lis tendre qu’un rien peut froisser,
    Que nul homme ne peut presser,
    Sans remords sur son cœur profane.

    La main digne de l’approcher
    N’est pas la main rude qui brise
    L’innocence qu’elle a surprise
    Et se fait jeu d’effaroucher,
    Mais la...

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    On a bâti là, plus réel
    Que l’échelle du patriarche,
    Un escalier dont chaque marche
    Est vraiment un pas vers le ciel.

    Dans la nature tout entière
    L’architecte prit à son gré
    Pour cet édifice sacré
    La plus glorieuse matière :

    Il prit des marbres sans rivaux,
    Fragments de ces pierres illustres
    Que la pioche aveugle des rustres...

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    L’art des vers se révèle à l’escrime pareil ;
    Boileau l’a dit un jour à son ami Molière.
    La finesse n’en est qu’aux élus familière,
    Moins simple est ce beau jeu que son froid appareil.

    Il nous tient en haleine et sans cesse en éveil,
    Car la muse a pour nous des rigueurs de guerrière.
    Elle ne se rend pas aux pleurs de la prière,
    Et qui la veut...

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    Quand on est sur la terre étendu sans bouger,
    Le ciel paraît plus haut, sa splendeur plus sereine ;
    On aime à voir, au gré d’une insensible haleine,
    Dans l’air sublime fuir un nuage léger ;

    Il est tout ce qu’on veut : la neige d’un verger,
    Un archange qui plane, une écharpe qui traîne,
    Ou le lait bouillonnant d’une coupe trop pleine ;
    On le...

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    Par les nuits sublimes d’été,
    Sous leur dôme d’or et d’opale,
    Je demande à l’immensité
    Où sourit la forme idéale.

    Plein d’une angoisse de banni,
    A travers la flore innombrable
    Des campagnes de l’infini,
    Je poursuis ce lis adorable…

    S’il brille au firmament profond,
    Ce n’est pas pour moi qu’il y brille :
    J’ai beau chercher,...

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    Je me dis bien souvent : de quelle race es-tu ?
    Ton cœur ne trouve rien qui l’enchaîne ou ravisse,
    Ta pensée et tes sens, rien qui les assouvisse :
    Il semble qu’un bonheur infini te soit dû.

    Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu ?
    A quelle auguste cause as-tu rendu service ?
    Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice,
    Quelle est ta...

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    Quand je me hasarde à descendre
    Jusques aux bas-fonds du désir,
    À l’heure où l’on pèse la cendre
    Que laisse après soi le plaisir ;

    Ou quand je sonde l’origine
    De ces hymens vils et fortuits
    Qu’en songe la chair imagine,
    Ressouvenir d’antiques nuits…

    Je crois que dans une autre sphère,
    Où je me sentais déjà mal,
    J’aimais, ne...

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    Que n’ai-je appris l’amour sous un regard moins beau !
    Je n’aurais pas traîné si longtemps sur la terre
    Cet âpre souvenir, le seul que rien n’altère,
    Et qui, le plus lointain, me soit toujours nouveau.

    Hélas ! je ne peux pas souffler comme un flambeau
    L’œil bleu, pâle qui luit dans mon cœur solitaire ;
    On ne se remplit pas d’unenuit volontaire,...

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    Nous avons oublié combien la terre est dure :
    Au pas lent de nos bœufs le fer tranchant du soc
    L’entame en retournant le chaume et la verdure,
    La divise, et soulève un gros et large bloc.

    Ce labeur dont les mains saignaient, le fer l’endure.
    Plus souple que l’ormeau, plus ferme que le roc,
    Il tient sans trahison tant que sa tâche dure.
    Patient...