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    Fait d’héroïsme et de clémence,
    Présent toujours au moindre appel,
    Qui de nous peut dire où commence,
    Où finit l’amour maternel ?

    Il n’attend pas qu’on le mérite,
    Il plane en deuil sur les ingrats ;
    Lorsque le père déshérite,
    La mère laisse ouverts ses bras ;

    Son crédule dévoûment reste
    Quand les plus vrais nous ont menti,
    ...

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    Nos yeux se sont croisés et nous nous sommes plu.
    Née au siècle où je vis et passant où je passe,
    Dans le double infini du temps et de l’espace
    Tu ne me cherchais point, tu ne m’as point élu ;

    Moi, pour te joindre ici le jour qu’il a fallu,
    Dans le monde éternel je n’avais point ta trace,
    J’ignorais ta naissance et le lieu de ta race :
    Le sort...

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    Le vent d’orage, allant où quelque dieu l’envoie,
    S’il rencontre un parterre, y voudrait bien rester :
    Autour du plus beau lis il s’enroule et tournoie,
    Et gémit vainement sans pouvoir s’arrêter.

    — « Demeure, endors ta fougue errante et soucieuse,
    Endors-la dans mon sein, lui murmure la fleur.
    Je suis moins qu’on ne croit fière et silencieuse,...

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    S’il n’était rien de bleu que le ciel et la mer,
    De blond que les épis, de rose que les roses,
    S’il n’était de beauté qu’aux insensibles choses,
    Le plaisir d’admirer ne serait point amer.

    Mais avec l’océan, la campagne et l’éther,
    Des formes d’un attrait douloureux sont écloses ;
    Le charme des regards, des sourires, des poses,
    Mord trop avant...

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    Fors l’amour, tout dans l’art semble à la femme vain :
    Le génie auprès d’elle est toujours solitaire.
    Orphée allait chantant, suivi d’une panthère,
    Dont il croyait leurrer l’inexorable faim ;

    Mais, dès que son pied nu rencontrait en chemin
    Quelque épine de rose et rougissait la terre,
    La bête, se ruant d’un bond involontaire,
    Oublieuse des...

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    S’asseoir tous deux au bord d’un flot qui passe,
                Le voir passer ;
    Tous deux, s’il glisse un nuage en l’espace,
                Le voir glisser ;
    À l’horizon, s’il fume un toit de chaume,
                Le voir fumer ;
    Aux alentours, si quelque fleur embaume,
                S’en embaumer ;
    Si quelque fruit, où les abeilles goûtent,...

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    Ne meurs pas encore, ô divin Désir,
            Qui sur toutes choses
    Vas battant de l’aile et deviens plaisir
            Dès que tu te poses.

    Rôdeur curieux, es-tu las d’ouvrir
            Les lèvres, les roses ?
    N’as-tu désormais rien à découvrir
            Au pays des causes ?

    Couvre de baisers la face du beau,
    Jusqu’au fond du vrai porte...

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    Quand d’une perte irréparable
    On garde au cœur le souvenir,
    On est parfois si misérable
    Qu’on délibère d’en finir.

    La vie extérieure oppresse :
    Son mobile et bruyant souci
    Fatigue… et dans cette détresse
    On murmure : « Que fais-je ici ?

    « Libre de fuir tout ce tumulte
    Où ma douleur n’a point de part,
    Où le train du monde l’...

  • Quand je vous livre mon poème,
    Mon cœur ne le reconnaît plus :
    Le meilleur demeure en moi-même,
    Mes vrais vers ne seront pas lus....

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    Le cœur n’est pas fragile, il est fait d’or solide :
    Plût au dieux que, pareil à l’amphore de grès,
    Il ne servît qu’un temps et fût poussière après !
    Mais il ne s’use point, ô douleur ! il se vide !

    Au bord, la volupté rôde toujours avide :
    Frère, ne permets pas qu’elle y boive à longs traits ;
    Garde sévèrement ce qu’il contient de frais,
    ...