• Près de la Setch guerrière aux huttes sans clôture
    Un Zaporogue dort sur la route, en travers,
    Pareil aux demi-dieux dont en leurs anciens vers
    Les Cobzars ont chanté l’héroïque stature.

    L’or de son caftan turc et sa riche ceinture
    De boue et de goudron par mépris sont couverts ;
    Vingt fois de son sang libre il a teint les prés verts ;
    Il prend la vie...

  • Vêtus de bure blanche et de noirs scapulaires,
    Cent moines sont assis aux bancs Capitulaires.
    Ayant psalmodié l’Angelus Domini
    Et clos les lourds missels sous le vélin jauni,
    Sans plus mouvoir la lèvre et cligner la paupière
    Que les Saints étirés dans les retraits de pierre,
    Impassibles comme eux, ils attendent, les bras
    En croix. La cire flambe...

  • « Fils, avec le Kourèn ce soir tu partiras :
    Les Tatars ont brûlé sur le Don un village.
    Mais avant, fils, je veux, robuste malgré l’âge,
    Par moi-même éprouver la force de ton bras. »

    La houppe de cheveux flotte sur leur cuir ras,
    Ils déposent leurs peaux de buffle au noir pelage,
    Arrêtent près du camp leur pesant attelage,
    Et, dans la steppe immense...

  • « Tu veux partir, ma fille ? et suivre malgré moi
    Cet Étranger rusé, sans pudeur et sans foi ?
    Pars, fille impie ; et vous, ô terribles Déesses,
    Nocturnes, aux cheveux de serpents, vengeresses !
    Suivez-la sur la nef de l’Époux triomphant,
    Furieuses et plus rapides que le vent ! »

    O cité de Kadmos ! Thébè, chère patrie !
    Je ne repose pas sous une herbe...

  • Il brille, le sauvage Été,
    La poitrine pleine de roses.
    Il brûle tout, hommes et choses,
    Dans sa placide cruauté.

    Il met le désir effronté
    Sur les jeunes lèvres décloses ;
    Il brille, le sauvage Été,
    La poitrine pleine de roses.

    Roi superbe, il plane irrité
    Dans des splendeurs d’apothéoses,
    Sur les horizons grandioses ;
    Fauve...

  • Avril, à l’incarnat frêle et poudré de givre,
    Nous tient encor troublés de son charme incertain ;
    Lorsque Mai, couronné de roses, un matin,
    Sort des brumes, tenant la coupe où tout s’enivre.

    La belle au bois dormant qu’il réveille et délivre,
    L’Idylle, vers les monts bleuissant au lointain,
    Court avec lui parmi la rosée et le thym,
    Mêlant le...

  • Un souvenir d’enfance, assoupi dans mon cœur,
    Que le retour de Mars joyeusement réveille,
    C’est celui d’une Enseigne où trône une bouteille
    Qu’emplit, ô Cambrinus, ta fougueuse liqueur :

    Caressant d’un colback haut le plumet vainqueur
    (Cependant que déjà butine aux champs l’abeille),
    Deux houzards moustachus, attablés sous la treille,
    Sont là, prêts à...

  • Sous un souffle qu’emplit l’aube des premiers temps
    S’évapore la terre aux verdures nouvelles ;
    L’arbre enivré s’incline aux bords des clairs étangs ;
    Et les feuilles au ciel battent comme des ailes
    Dans l’âme fraîche du printemps.

    Sur l’herbe où la rosée a trempé leurs pieds...

  • Il avait sur l’échine une croix pour blason !
    Poussif, galeux, arqué, chauve et la dent pourrie,
    Squelette, on le traînait, hélas ! à la voirie.
    Je l’achetai cent sous ; il loge en ma maison.

    Sa langue avec amour épile ma prairie
    Et son œil réfléchit les arbres, le gazon,
    La broussaille et les feux sanglants de l’horizon ;
    Sa croupe maintenant n’est...

  • L’Éternel s’ennuyait dans l’immensité vide ;
    Rien n’existait. C’était le règne du Néant.
    Du fond de l’Infini, gouffre morne et béant,
    Un hymne répondit à son désir avide.

    De ce désir, le Monde avait jailli, splendide.
    Il avait dévoilé sa face en le créant,
    Et l’homme, nain sublime aux instincts de géant,
    L’adorait humblement dans son âme candide....