• Le noir château, couvert de chiffres et d’emblèmes
    Et ceint des froides fleurs dormant sur les eaux blêmes,
    En un doux ciel humide effile ses toits bleus.
    Dans le parc, où jadis on vit flotter des fées,
    Les Nymphes, par le lierre en leur marbre étouffées,
    Méditent longuement leurs amours fabuleux.

    Déjà des vieux tilleuls les premières rangées
    Versent...

  • Tout dans l'immuable Nature
    Est miracle aux petits enfants :
    Ils naissent, et leur âme obscure
    Éclôt dans des enchantements.

    Le reflet de cette magie
    Donne à leur regard un rayon.
    Déjà la belle illusion
    Excite leur frêle énergie.

    L'inconnu, l'inconnu divin,
    Les baigne comme une eau profonde;
    On les presse, on leur parle en vain :...

  • Les choses de l’amour ont de profonds secrets.
    L’instinct primordial de l’antique Nature
    Qui mêlait les flancs nus dans le fond des forêts
    Trouble l’épouse encor sous sa riche ceinture ;
    Et, savante en pudeur, attentive à nos lois,
    Elle garde le sang de l’Ève des grands bois.

  • Je sais la vanité de tout désir profane.
    À peine gardons-nous de tes amours défunts,
    Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
    Y laisse d’âme et de parfums.

    Ils n’ont, les plus beaux bras, que des chaînes d’argile,
    Indolentes autour du col le plus aimé ;
    Avant d’...

  • J’ai tout vu : la luxuriance
    M’a couronné dans mes vingt ans ;
    Mais je cherche encor la Science
    Sous l’arbre aux rameaux irritants.

    Des visions du vieil Homère
    J’ai peuplé tous les Alhambras.
    — Païenne ou biblique chimère,
    Vous m’avez brisé dans vos bras !

    Pour m’enivrer, je l’ai saisie,
    La...

  • Sous les molles pâleurs qui voilaient en silence
    La falaise, la mer et le sable, dans l’anse
    Les embarcations se réveillaient déjà.
    Du gouffre oriental le soleil émergea
    Et couvrit l’Océan d’une nappe embrasée.
    La dune au loin sourit, ondoyante et rosée.
    On voyait des éclairs aux vitres des maisons.
    Au sommet des coteaux les jeunes frondaisons
    ...

  • Dans la serre vitrée où de rigides plantes,
    Filles d’une jeune île et d’un lointain soleil,
    Sous un ciel toujours gris, sommeillant sans réveil,
    Dressent leurs dards aigus et leurs floraisons lentes,

    Lui, tremblant, secoué par la fièvre et la toux,
    Tordant son triste corps sous des lambeaux de laine,
    Entre ses...

  • Hélas ! celle qui, jeune en la belle saison,
    Causa dans les blés verts une ardente querelle
    Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle,
    La compagne au bon cœur qui bâtit la maison

    Et nourrit les petits aux jours de la moisson,
    Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle.
    C’est en vain qu’elle fuit dans l’...

  •  
    Des vers retentissants valent-ils le silence
    D'une âme qui remplit son devoir simplement,
    Et, pour autrui toujours pleine de vigilance,
    Trouve sa récompense et sa joie en aimant ?

    La splendeur de la forme est une corruptrice ;
    Les ivresses du beau rarement nous font purs ;
    Recherche pour ton dîme une...

  • Le fleuve qui, libre et tranquille,
    Traîne ses marnes et ses eaux
    Au milieu des pâles roseaux,
    Presse en ses bras une longue île,

    Qui semble un navire échoué
    Par quelque héroïque aventure,
    Perdant sa forme et sa nature,
    Dormeur à l’oubli dévoué.

    Le cri rauque et le vol des grues
    Percent les...