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    Dans le mortel soupir de l’automne, qui frôle
               Au bord du lac les joncs frileux,
    Passe un murmure éteint : c’est l’eau triste et le saule
               Qui se parlent entre eux.

    Le saule : « Je languis, vois ! Ma verdure tombe
               Et jonche ton cristal glacé ;
    Toi qui fus la compagne, aujourd’hui sois la tombe
               De mon...

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    I

    Mon besoin de songe et de fable,
    La soif malheureuse que j’ai
    De quelque autre vie ineffable,
    Me laisse tout découragé.

    Quand d’un beau vouloir je m’avise,
    Je me répète en vain : « Je veux. »
    — « À quoi bon ? » répond la devise
    Qui rend stériles tous les voeux.

    À quoi bon nos miettes d’automne ?
    Si la plèbe veut s’...

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    Quand l’être cher vient d’expirer,
    On sent obscurément la perte,
    On ne peut pas encor pleurer :
    La mort présente déconcerte ;

    Et ni le lugubre drap noir,
    Ni le dies irae farouche,
    Ne donnent forme au désespoir :
    La stupeur clôt l’âme et la bouche.

    Incrédule à son propre deuil,
    On regarde au fond de la tombe,
    Sans rien...

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    Dans cette mascarade immense des vivants
    Nul ne parle à son gré ni ne marche à sa guise ;
    Faite pour révéler, la parole déguise,
    Et la face n’est plus qu’un masque aux traits savants.

    Mais vient l’heure où le corps, infidèle ministre,
    Ne prête plus son geste à l’âme éparse au loin,
    Et, tombant tout à coup dans un repos sinistre,
    Cesse d’être...

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    Heureux l’enfant qui meurt dans sa septième année
    Avant l’âge où le cœur doit saigner pour jouir ;
    Qui meurt de défaillance, en regardant bleuir
    Sous les orangers d’or la Méditerranée !

    On ne tient plus son âme aux leçons enchaînée,
    Et, libre de s’éteindre, il croit s’épanouir.
    Plus de maîtres ! c’est lui qui se fait obéir,
    Et sa mère est pour...

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    D’un seul mot, pénétrant comme un acier pointu,
    Vous nous exaspérez pour nous dompter d’un signe,
    Sachant que notre cœur s’emporte et se résigne,
    Rebelle subjugué sitôt qu’il a battu.

    Triomphez pleinement, ô femmes sans vertu,
    De notre souple hommage à votre empire indigne !
    Quand vous nous faites choir hors de la droite ligne,
    Tombés autant...

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    Le voyageur, debout sur la plus haute cime,
    A travers le rideau d’une rose vapeur,
    Mesure avec la sonde immense de la peur
    Sous ses genoux tremblants la fuite de l’abîme

    De ce besoin de voir téméraire victime,
    Du haut de la raison je sonde avec stupeur
    Le dessous infini de ce monde trompeur,
    Et je traîne avec moi partout mon gouffre intime....

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    Bienheureuse la destinée
    D’un enfant grec du monde ancien !
    Fruit d’un amoureux hyménée,
    Il est gai d’une joie innée,
    Et deux beaux sangs ont fait le sien.

    C’est Pan, bénévole et farouche,
    Qui forme son cœur et sa voix :
    Il lui met la flûte à la bouche,
    L’enfant souffle, le faune touche,
     Et la leçon rit dans les bois.

    Aux...

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    Des fluides moments nul ne voit le passage,
    Et le printemps des jours s’éteint comme il est né ;
    C’est insensiblement, sur le fleuve de l’âge,
    Qu’à la froide vieillesse un homme est entraîné.

    Mais je me saurai vieux quand cette chère...

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    Le dieu du laboureur est comme un très vieux roi
    De chair et d’os, seigneur du champ qu’il ensemence ;
    Le dieu de son curé règne aussi, mais immense,
    Trois fois unique, esprit, fils et père de soi ;

    Le déiste contemple un pur je ne sais quoi
    Lointain, par qui le monde, en s’ordonnant, commence ;
    Et le savant qui rit de leur sainte démence
    ...