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    Le soldat frappé tombe en poussant de grands cris ;
    On l’emporte ; le baume assainit la blessure,
    Elle se ferme un jour ; il marche, il se rassure,
    Et, par un beau soleil, il croit ses maux guéris.

    Mais, au premier retour d’un ciei humide et gris,
    De l’ancienne douleur il ressent la morsure ;
    Alors la guérison ne lui paraît pas sûre,
    Le...

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    Le Phédon jette en l’âme un céleste reflet,
    Mais rien n’est plus suave au cœur que l’Évangile.
    Délicat embaumeur de la raison fragile,
    Il sent la myrrhe, il coule aussi doux que le lait.

    Dans ses pures leçons rien n’est prouvé ; tout plaît :
    Le bon Samaritain qui prodigue son huile,
    L’héroïsme indulgent pour la plèbe servile
    L’âme offerte à l’...

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    Au temps où les plaines sont vertes,
    Où le ciel dore les chemins,
    Où la grâce des fleurs ouvertes
    Tente les lèvres et les mains,

    Au mois de mai, sur sa fenêtre,
    Un jeune homme avait un rosier ;
    Il y laissait les roses naître
    Sans les voir ni s’en soucier ;

    Et les femmes qui d’aventure
    Passaient près du bel arbrisseau,
    En se...

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    Les caresses ne sont que d’inquiets transports,
    Infructueux essais du pauvre amour qui tente
    L’impossible union des âmes par les corps.
    Vous êtes séparés et seuls comme les morts,
    Misérables vivants que le baiser tourmente !

    O femme, vainement tu serres dans tes bras
    Tes enfants, vrais lambeaux de ta plus pure essence :
    Ils ne sont plus toi-...

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    Le présent se fait vide et triste,
    Ô mon amie, autour de nous ;
    Combien peu de passé subsiste !
    Et ceux qui restent changent tous.

    Nous ne voyons plus sans envie
    Les yeux de vingt ans resplendir,
    Et combien sont déjà sans vie
    Des yeux qui nous ont vus grandir !

    Que de jeunesse emporte l’heure,
    Qui n’en rapporte jamais rien !...

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    Les lignes du labour dans les champs en automne
    Fatiguent l’œil, qu’à peine un toit fumant distrait,
    Et la voûte du ciel tout entière apparaît,
    Bornant d’un cercle nu la plaine monotone.

    En des âges perdus dont la vieillesse étonne
    Là même a dû grandir une vierge forêt,
    Où le chant des oiseaux sonore et pur vibrait,
    Avec l’hymne qu’au vent le...

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    Ton sourire infini m’est cher
    Comme le divin pli des ondes,
    Et je te crains quand tu me grondes,
               Comme la mer.

    L’azur de tes grands yeux m’est cher :
    C’est un lointain que je regarde
    Sans cesse et sans y prendre garde,
               Un ciel de mer.

    Ton courage léger m’est cher :
    C’est un souffle vif où ma vie
    S’...

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    Ceux qui tiennent le soc, la truelle ou la lime,
    Sont plus heureux que vous, enfants de l’art sublime !
                Chaque jour les vient secourir
                Dans leurs quotidiennes misères ;
    Mais vous, les travailleurs pensifs aux mains légères,
                Vos ouvrages vous font mourir.
    L’austère paysan laboure pour les autres,
    Et ses rudes...

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    Entre mille débris au hasard amassés,
    Un Christ en vieil ivoire, exposé dans la rue,
    Jette l’adieu suprême à sa foi disparue
    Et sent fuir ses genoux infiniment lassés.

    En face, une Vénus, gloire des arts passés,
    Sort de la draperie à ses flancs retenue,
    Naturelle et divine, offrant sa beauté nue,
    Sans bras, pareille aux troncs de lierres...

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    LES VIEILLARDS

    Ce sont eux ! j’ai posé l’oreille contre terre
    Les bruits sourds qu’on entend sont des pas de chevaux ;
    Que le jeune soldat se rappelle son père,
    Et que l’ancien s’apprête à des combats nouveaux !

    Que nul de vous ne songe aux sanglots de l’épouse,
    Aux longs baisers d’adieu sur le front de l’enfant ;
    Mais qu’à l’heure d’agir la...