• Dessus un mont une flamme allumée
    A triple pointe ondoyait vers les cieux,
    Qui de l'encens d'un cèdre précieux
    Parfumait l'air d'une odeur embaumée.

    D'un blanc oiseau l'aile bien emplumée
    Semblait voler jusqu'au séjour des dieux,
    Et dégoisant un chant mélodieux
    Montait au ciel avecques la fumée.

    De ce beau feu les rayons écartés
    ...

  • Si tu m'en crois, Baïf, tu changeras Parnasse
    Au palais de Paris, Hélicon au parquet,
    Ton laurier en un sac, et ta lyre au caquet
    De ceux qui, pour serrer, la main n'ont jamais lasse.

    C'est à ce métier-là que les biens on amasse,
    Non à celui des vers, où moins y a d'acquêt
    Qu'au métier d'un bouffon ou celui d'un naquet.
    Fi du plaisir, Baïf, qui...

  • Ayant tant de malheurs gémi profondément,
    Je vis une cité quasi semblable à celle
    Que vit le messager de la bonne nouvelle,
    Mais bâti sur le sable était son fondement.

    Il semblait que son chef touchât au firmament,
    Et sa forme n'était moins superbe que belle :
    Digne, s'il en fut onc, digne d'être immortelle,
    Si rien dessous le ciel se fondait fermement...

  • Gordes, j'ai en horreur un vieillard vicieux
    Qui l'aveugle appétit de la jeunesse imite,
    Et jà froid par les ans de soi-même s'incite
    A vivre délicat en repos otieux.

    Mais je ne crains rien tant qu'un jeune ambitieux
    Qui pour se faire grand contrefait de l'hermite,
    Et voilant sa traïson d'un masque d'hypocrite,
    Couve sous beau semblant un coeur...

  • Sonnet

    Serf de Faveur, esclave d'Avarice,
    Tu n'eus jamais sur toi-même pouvoir,
    Et je me veux d'un tel maître pourvoir
    Que l'Esprit libre en plaisir se nourrisse.

    L'Air, la Fortune et l'humaine Police
    Ont en leurs mains ton malheureux avoir.
    Le Juge avare ici n'a rien à voir,
    Ni les trois Soeurs, ni du Temps la malice,

    Regarde...

  • Ronsard, j'ai vu l'orgueil des colosses antiques,
    Les théâtres en rond ouverts de tous côtés,
    Les colonnes, les arcs, les hauts temples voûtés,
    Et les sommets pointus des carrés obélisques.

    J'ai vu des empereurs les grands thermes publiques,
    J'ai vu leurs monuments que le temps a domptés,
    J'ai vu leurs beaux palais que l'herbe a surmontés,
    Et des...

  • Qui voudra voir tout ce qu'ont pu nature,
    L'art et le ciel, Rome, te vienne voir :
    J'entends s'il peut ta grandeur concevoir
    Par ce qui n'est que ta morte peinture.

    Rome n'est plus : et si l'architecture
    Quelque ombre encor de Rome fait revoir,
    C'est comme un corps par magique savoir
    Tiré de nuit hors de sa sépulture.

    Le corps de Rome en...

  • De votre Dianet (de votre nom j'appelle
    Votre maison d'Anet) la belle architecture,
    Les marbres animés, la vivante peinture,
    Qui la font estimer des maisons la plus belle :

    Les beaux lambris dorés, la luisante chapelle,
    Les superbes donjons, la riche couverture,
    Le jardin tapissé d'éternelle verdure,
    Et la vive fontaine à la source immortelle :
    ...

  • Comte, qui ne fis onc compte de la grandeur,
    Ton Du Bellay n'est plus : ce n'est plus qu'une souche
    Qui dessus un ruisseau d'un dos courbé se couche,
    Et n'a plus rien de vif, qu'un petit de verdeur.

    Si j'écris quelquefois, je n'écris point d'ardeur,
    J'écris naïvement tout ce qu'au coeur me touche,
    Soit de bien, soit de mal, comme il vient à la bouche,
    ...

  • Si pour avoir passé sans crime sa jeunesse,
    Si pour n'avoir d'usure enrichi sa maison,
    Si pour n'avoir commis homicide ou trahison,
    Si pour n'avoir usé de mauvaise finesse,

    Si pour n'avoir jamais violé sa promesse,
    On se doit réjouir en l'arrière-saison,
    Je dois à l'avenir, si j'ai quelque raison,
    D'un grand contentement consoler ma vieillesse.
    ...