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    L’Océan blesse la pensée :
    Par la fuite des horizons
    Elle se sent plus offensée
    Que par la borne des prisons ;

    Et les prisons dans leurs murailles
    N’ont bruits de chaînes ni sanglots
    Pareils au fracas de ferrailles
    Que font dans les rochers les flots.

    Il faut tenir des mains de femme
    Quand on rêve au bord de la mer ;
    Alors...

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    Notre forme au soleil nous suit, marche, s’arrête,
    Imite gauchement nos gestes et nos pas,
    Regarde sans rien voir, écoute et n’entend pas,
    Et doit ramper toujours quand nous levons la tête.

    A son ombre pareil, l’homme n’est ici-bas
    Qu’un peu de nuit vivante, une forme inquiète
    Qui voit sans pénétrer, sans inventer répète,
    Et murmure au Destin...

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    J’ai dans mon cœur, j’ai sous mon front
    Une âme invisible et présente :
    Ceux qui doutent la chercheront ;
    Je la répands pour qu’on la sente.

    Partout scintillent les couleurs,
    Mais d’où vient cette force en elles ?
    Il existe...

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    L’épouse, la compagne à mon cœur destinée,
               Promise à mon jeune tourment,
    Je ne la connais pas, mais je sais qu’elle est née ;
               Elle respire en ce moment.

    Son âge et ses devoirs lui font la vie étroite ;...

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    Quand votre bien-aimée est morte,
    Les adieux vous sont rendus courts ;
    Sa paupière est close, on l’emporte,
    Elle a disparu pour toujours.

    Mais je la vois, ma bien-aimée,
    Qui sourit sans m’appartenir,
    Comme une ombre plus...

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    Ce qui rend les villas charmantes,
    C’est, plus encor que les gazons,
    Et la grâce des horizons,
    Et le rêve des eaux dormantes,

    C’est, plus que l’air délicieux
    Et le vert sombre des vieux arbres,
    C’est le candide éclat des marbres
    Sur l’azur intense des cieux :

    Ceux que l’Attique et la Toscane
    Baignent d’un jour immense et clair,...

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    Jeunes et vieux, ô vous, vengeurs de toutes sortes,
    Qui, bravant la mitraille, en avant des remparts,
    Tombez, sous un ciel froid, dans les plaines épars,
    Frères, pardonnez-moi, si, voyant à nos portes,
    Là même où vous aussi les voyiez autrefois,
    Tous ces arbres couchés parmi leurs feuilles mortes,
    J’ose m’attendrir sur les bois.

    Ces bois nous...

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    En mars, quand s’achève l’hiver,
    Que la campagne renaissante
    Ressemble à la convalescente
    Dont le premier sourire est cher ;

    Quand l’azur, tout frileux encore,
    Est de neige éparse mêlé,
    Et que midi, frais et voilé,
    Revêt une blancheur d’aurore ;

    Quand l’air doux dissout la torpeur
    Des eaux qui se changeaient en marbres ;
    ...

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    La mer pousse une vaste plainte,
    Se tord et se roule avec bruit,
    Ainsi qu’une géante enceinte
    Qui des grandes douleurs atteinte,
    Ne pourrait pas donner son fruit ;

    Et sa pleine rondeur se lève
    Et s’abaisse avec désespoir.
    Mais elle a des heures de trêve :
    Alors sous l’azur elle rêve,
    Calme et lisse comme un miroir.

    Ses pieds...

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    Nul troupeau n’erre ni ne broute ;
    Le berger s’allonge à l’écart ;
    La poussière dort sur la route,
    Le charretier sur le brancard.

    Le forgeron dort dans la forge ;
    Le maçon s’étend sur un banc ;
    Le boucher ronfle à pleine gorge,
    Les bras rouges encor de sang.

    La guêpe rôde au bord des jattes ;
    Les ramiers couvrent les pignons ;...