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    Le carrosse d’or roux, la chaise, le sabot
    Qui piaffe au pavé clair et sonne sur la dalle,
    N’animent plus la cour vaste, vide et royale
    Où se sont tus les pas, le fouet et le grelot.

    La porte s’entrebâille et le volet se clôt ;
    Le vent use, tout bas, la pierre jaune et pâle ;
    Le silence engourdi crispe de salle en salle
    Ses deux ailes de...

  • Dans l'aurore rieuse ou le matin qui vente
    Je m'éveille en sursaut et pousse le volet,
    Et j'entends bruire au sable ou gronder au galet
    Le refrain rauque ou doux de la marée errante.

    La pêche est incertaine et nargue qui se vante,
    Et souvent le poisson est rare à mon filet;
    Mais j'en tire parfois une algue au beau reflet
    Qui s'...

  • Le galop de la houle écume à l'horizon.
    Regarde. La voici qui vient. Les vagues sont
    Farouches et le vent dur qui les fouette rue
    Leur troupe furieuse et leur foule bourrue.
    Regarde. Celle-ci s'abat et vois cette autre
    Derrière elle qui, fourbe et hargneuse et plus haute,
    Lui passe sur la croupe et la franchit d'un bond
    Et se brise...

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    Si l’automne fut douce au soir de ta beauté,
    Rends-en grâces aux dieux qui veulent qu’à l’été
    Succède la saison qui lui ressemble encore,
    Ainsi que le couchant imite une autre aurore
    Et comme elle s’empourpre et comme elle répand
    Au ciel mystérieux des roses et du sang !
    Ce sont les dieux, vois-tu, qui font les feuilles mortes
    D’un or flexible...

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    Crois-moi. N’emprunte rien des hommes. Que tes yeux
    Ne le conduisent point sur leur pas anxieux.
    N’asservis pas ta faim à la faim d’autres bouches.
    Au contraire, sois libre et, s’il le faut, farouche ;
    Et plutôt mords ton poing et frappe du talon,
    Pour les mieux éloigner, ceux qui te parleront,
    Puis, quand tu seras seul, regarde, écoute et veille....

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    Laisse le Printemps rire en sa gaine de pierre
    Et l’Hiver qui sanglote au socle où il est pris
    Jusqu’au torse, et l’Été, grave en ses nœuds fleuris,
    Près de l’Automne nu qui s’empampre et s’enlierre ;

    Laisse la rose double et la rose trémière
    Et l’allée à dessins de sable jaune et gris
    Et l’écho qui répond au rire que tu ris,
    Et viens te...

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    Si le jet d’eau s’est tu dans la vasque, si l’or
    De la statue en pleurs au centre du bassin
    S’écaille sur la hanche et rougit sur le sein,
    Si le porphyre rose en l’onde saigne encor ;

    C’est que tout, alentour, s’engourdit et s’endort
    D’avoir été charmant, mystérieux et vain,
    Et que l’Écho muet dans l’ombre tend la main
    Au Silence à genoux...

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    Son bronze qui fut chair l’érige en l’eau verdie,
    Déesse d’autrefois triste d’être statue ;
    La mousse peu à peu couvre l’épaule nue,
    Et l’urne qui se tait pèse à la main roidie ;

    L’onde qui s’engourdit mire avec perfidie
    L’ombre que toute chose en elle est devenue,
    Et son miroir fluide où s’allonge une nue
    Imite inversement un ciel qu’il...

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    Sois heureuse ! qu’importe à tes yeux l’horizon
    Et l’aurore et la nuit et l’heure et la saison,
    Que ta fenêtre tremble aux souffles de l’hiver
    Ou que, l’été, le vent du val ou de la mer
    Semble quelqu’un qui veut entrer et qu’on accueille.
    Sois heureuse. La source murmure. Une feuille
    Déjà jaunie un peu tombe sur le sentier ;
    Une abeille s’est...

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    Sur la rosace éclose au centre du parquet
    Pose ton pied léger, écoute et sois furtive ;
    La solitude parle à celle qui arrive ;
    N’as-tu pas entendu le marbre qui craquait ?

    La harpe tremble et vibre à ton pas indiscret,
    Le lustre se balance et son cristal s’avive ;
    De ce qui semble mort crois-tu que rien ne vive ?
    La glace a son fantôme et tout...