• Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
    Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
    Par delà le soleil, par delà les éthers,
    Par delà les confins des sphères étoilées,

    Mon esprit, tu te meus avec agilité,
    Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
    Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
    Avec une indicible et mâle volupté.

    ...

  • Mon coeur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux
    Et planait librement à l'entour des cordages ;
    Le navire roulait sous un ciel sans nuages,
    Comme un ange enivré d'un soleil radieux.

    Quelle est cette île triste et noire ? - C'est Cythère,
    Nous dit-on, un pays fameux dans les chansons,
    Eldorado banal de tous les vieux garçons.
    Regardez, après tout, c'...

  • L'homme a, pour payer sa rançon,
    Deux champs au tuf profond et riche,
    Qu'il faut qu'il remue et défriche
    Avec le fer de la raison ;

    Pour obtenir la moindre rose,
    Pour extorquer quelques épis,
    Des pleurs salés de son front gris
    Sans cesse il faut qu'il les arrose.

    L'un est l'Art, et l'autre l'Amour.
    - Pour rendre le juge propice,
    ...

  • C'est ici la case sacrée
    Où cette fille très parée,
    Tranquille et toujours préparée,

    D'une main éventant ses seins,
    Et son coude dans les coussins,
    Ecoute pleurer les bassins ;

    C'est la chambre de Dorothée.
    - La brise et l'eau chantent au loin
    Leur chanson de sanglots heurtée
    Pour bercer cette enfant gâtée.

    Du haut en bas,...

  • Combien faut-il de fois secouer mes grelots
    Et baiser ton front bas, morne caricature ?
    Pour piquer dans le but, de mystique nature,
    Combien, ô mon carquois, perdre de javelots ?

    Nous userons notre âme en de subtils complots,
    Et nous démolirons mainte lourde armature,
    Avant de contempler la grande Créature !
    Dont l'infernal désir nous remplit de...

  • Aujourd'hui l'espace est splendide !
    Sans mors, sans éperons, sans bride,
    Partons à cheval sur le vin
    Pour un ciel féerique et divin !

    Comme deux anges que torture
    Une implacable calenture,
    Dans le bleu cristal du matin
    Suivons le mirage lointain !

    Mollement balancés sur l'aile
    Du tourbillon intelligent,
    Dans un délire parallèle,...

  • Les cloîtres anciens sur leurs grandes murailles
    Etalaient en tableaux la sainte Vérité,
    Dont l'effet, réchauffant les pieuses entrailles,
    Tempérait la froideur de leur austérité.

    En ces temps où du Christ florissaient les semailles,
    Plus d'un illustre moine, aujourd'hui peu cité,
    Prenant pour atelier le champ des funérailles,
    Glorifiait la Mort avec...

  • Pluviôse, irrité contre la ville entière,
    De son urne à grands flots verse un froid ténébreux
    Aux pâles habitants du voisin cimetière
    Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.

    Mon chat sur le carreau cherchant une litière
    Agite sans repos son corps maigre et galeux ;
    L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière
    Avec la triste voix d'un fantôme frileux...

  • Comme un bétail pensif sur le sable couchées,
    Elles tournent leurs yeux vers l'horizon des mers,
    Et leurs pieds se cherchant et leurs mains rapprochées
    Ont de douces langueurs et des frissons amers.

    Les unes, coeurs épris des longues confidences,
    Dans le fond des bosquets où jasent les ruisseaux,
    Vont épelant l'amour des craintives enfances
    Et...

  • Je suis comme le roi d'un pays pluvieux,
    Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux,
    Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes,
    S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bêtes.
    Rien ne peut l'égayer, ni gibier, ni faucon,
    Ni son peuple mourant en face du balcon.
    Du bouffon favori la grotesque ballade
    Ne distrait plus le front de ce cruel...