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    I

    On ne songe à la Mort que dans son voisinage :
    Au sépulcre éloquent d’un être qui m’est cher,
    J’ai, pour m’en pénétrer, fait un pèlerinage,
    Et je pèse aujourd’hui ma tristesse d’hier.

    Je veux, à mon retour de cette sombre place
    Où semblait m’envahir la funèbre torpeur,
    Je veux me recueillir et contempler en face
    La mort, la grande...

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    Elle était blanche, cette page,
    Mieux valait la laisser ainsi ;
    Du plus innocent griffonnage
    Son état vierge est obscurci.

    Il valait mieux n’y rien écrire,
    Elle était blanche, et je pouvais
    Y voir seul pleurer ou sourire
    Les vers amis que je rêvais ;

    Ces vers que vous dictiez vous-même
    Y miraient en paix leur fraîcheur,
    Et...

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    C’est, à peu près, Montmartre, en été, les dimanches
    Jérusalem rayonne au loin ;
    Les gibets sont bien droits sur des dalles bien blanches ;
    Le brin d’herbe est fait avec soin ;
    Un fort joli sentier conduit à la montagne,
    Ceux-ci viennent, ceux-là s’en vont ;
    Une fillette a l’air de dire à sa compagne :
    « Viens-tu voir là-haut ce qu’ils font...

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    On dit qu’importuné dans la paix de sa glace
    Le mont Blanc voit gravir tous les ans sa paroi
    Par des aventuriers pleins d’orgueil et d’effroi,
    Et la foule murmure : « A quoi bon cette audace ? »

    Là, dans l’éternité, tombe, s’amasse et dort
    La neige au morne éclat, ce deuil blanc des montagnes
    Qui souffrent d’assister aux saisons des campagnes
    ...

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    Si tous les astres, ô nature,
    Trompant la main qui les conduit,
    S’entre-choquaient par aventure
    Pour se dissoudre dans la nuit ;

    Ou comme une flotte qui sombre,
    Si ces foyers, grands et petits,
    Lentement dévorés par l’ombre,
    Y disparaissaient engloutis,

    Tu pourrais repeupler l’abîme,
    Et rallumer un firmament
    Plus somptueux...

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    Je ne devais pas vous le dire ;
    Mes pleurs, plus forts que la vertu,
    Mouillant mon douloureux sourire,
    Sont allés sur vos mains écrire
    L’aveu brûlant que j’avais tu.

    Danser, babiller, rire ensemble,
    Ces jeux ne nous sont plus...

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    Quand chaque nuit d’ardente veille
    Avancerait d’un jour ma mort,
    Ma volonté serait pareille
    D’ébranler le cœur par l’oreille,
    Et je mourrais dans un accord.

    J’ai bien payé dans ma journée
    Le tribut des bras au labour ;
    La nuit change ma destinée,
    Et dans mon âme illuminée
    Seul je descends avec amour.

    « Ouvre-toi, Sésame...

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    Du pôle il va tenter les merveilleux hivers ;
    Il part, le grand navire ! Une puissante enflure
    Au souffle d’un bon vent lève et tend la voilure
    Sur trois beaux mâts portant neuf vergues en travers.

    Il est parti. Là-bas, au soleil, dans les airs
    Traînant son pavillon comme une chevelure,
    Il a pris sa superbe et gracieuse allure
    Et du côté du...

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    Si peu d’œuvres pour tant de fatigue et d’ennui !
    De stériles soucis notre journée est pleine :
    Leur meute sans pitié nous chasse à perdre haleine,
    Nous pousse, nous dévore, et l’heure utile a fui…

    « Demain ! J’irai demain voir ce pauvre chez lui,
    « Demain je reprendrai ce livre ouvert à peine,
    « Demain je te dirai, mon âme, où je te mène,
    « ...

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    Enfant sur la terre on se traîne,
    Les yeux et l’âme émerveillés,
    Mais, plus tard, on regarde à peine
    Cette terre qu’on foule aux pieds.

    Je sens déjà que je l’oublie,
    Et, parfois, songeur au front las,
    Je m’en repens et me rallie
    Aux enfants qui vivent plus bas.

    Détachés du sein de la mère,
    De leurs petits pieds incertains
    ...