• Ne pense pas, Bouju, que les nymphes latines
    Pour couvrir leur traïson d'une humble privauté,
    Ni pour masquer leur teint d'une fausse beauté,
    Me fassent oublier nos nymphes angevines.

    L'angevine douceur, les paroles divines,
    L'habit qui ne tient rien de l'impudicité,
    La grâce, la jeunesse et la simplicité
    Me dégoûtent, Bouju, de ces vieilles...

  • Je ne découvre ici les mystères sacrés
    Des saints prêtres romains, je ne veux rien écrire
    Que la vierge honteuse ait vergogne de lire,
    Je veux toucher sans plus aux vices moins secrets.

    Mais tu diras que mal je nomme ces Regrets,
    Vu que le plus souvent j'use de mots pour rire :
    Et je dis que la mer ne bruit toujours son ire,
    Et que toujours Phoebus...

  • Je hais du Florentin l'usurière avarice,
    Je hais du fol Siennois le sens mal arrêté,
    Je hais du Genevois la rare vérité,
    Et du Vénitien la trop caute malice :

    Je hais le Ferrarais pour je ne sais quel vice,
    Je hais tous les Lombards pour l'infidélité,
    Le fier Napolitain pour sa grand' vanité,
    Et le poltron romain pour son peu d'exercice :

    ...

  • Si les larmes servaient de remède au malheur,
    Et le pleurer pouvait la tristesse arrêter,
    On devrait, Seigneur mien, les larmes acheter,
    Et ne se trouverait rien si cher que le pleur.

    Mais les pleurs en effet sont de nulle valeur :
    Car soit qu'on ne se veuille en pleurant tourmenter,
    Ou soit que nuit et jour on veuille lamenter,
    On ne peut divertir le...

  • Que n'ai-je encor la harpe thracienne,
    Pour réveiller de l'enfer paresseux
    Ces vieux Césars, et les ombres de ceux
    Qui ont bâti cette ville ancienne ?

    Ou que je n'ai celle amphionienne,
    Pour animer d'un accord plus heureux
    De ces vieux murs les ossements pierreux,
    Et restaurer la gloire ausonienne ?

    Pussé-je au moins d'un pinceau plus agile...

  • Ô que tu es heureux, si tu connais ton heur,
    D'être échappé des mains de cette gent cruelle,
    Qui sous un faux semblant d'amitié mutuelle
    Nous dérobe le bien, et la vie, et l'honneur !

    Où tu es, mon Dagaut, la secrète rancoeur,
    Le soin qui comme une hydre en nous se renouvelle,
    L'avarice, l'envie, et la haine immortelle
    Du chétif courtisan n'...

  • Que dirons-nous, Melin, de cette cour romaine,
    Où nous voyons chacun divers chemins tenir,
    Et aux plus hauts honneurs les moindres parvenir,
    Par vice, par vertu, par travail, et sans peine ?

    L'un fait pour s'avancer une dépense vaine,
    L'autre par ce moyen se voit grand devenir,
    L'un par sévérité se sait entretenir,
    L'autre gagne les coeurs par sa...

  • Cependant qu'au palais de procès tu devises,
    D'avocats, procureurs, présidents, conseillers,
    D'ordonnances, d'arrêts, de nouveaux officiers,
    De juges corrompus, et de telles surprises :

    Nous devisons ici de quelques villes prises,
    De nouvelles de banque, et de nouveaux courriers
    De nouveaux cardinaux, de mules, d'estafiers,
    De chapes, de rochets, de...

  • Qui a vu quelquefois un grand chêne asséché,
    Qui pour son ornement quelque trophée porte,
    Lever encore au ciel sa vieille tête morte,
    Dont le pied fermement n'est en terre fiché,

    Mais qui dessus le champ plus qu'à demi penché
    Montre ses bras tout nus et sa racine torte,
    Et sans feuille ombrageux, de son poids se supporte
    Sur un tronc nouailleux en cent...

  • Ores, plus que jamais, me plaît d'aimer la Muse
    Soit qu'en français j'écrive ou langage romain,
    Puisque le jugement d'un prince tant humain
    De si grande faveur envers les lettres usé.

    Donc le sacré métier où ton esprit s'amuse
    Ne sera désormais un exercice vain,
    Et le tardif labeur que nous promet ta main
    Désormais pour Francus n'aura plus nulle excuse...