• Ô misérable vie ! ici bas agitée
    Comme sont les vaisseaux errant dessus les flots,
    Sujette au trait fatal de la fière Atropos,
    Des lâches ignorants si chère et souhaitée.

    Un chacun se propose en son âme flattée
    De posséder son bien, d'en jouir en repos,
    Mais leur espoir s'enfuit au vent de ces propos :
    Car le temps nous abuse en forme d'un Protée....

  • Las ! on dit que La Roque a l'humeur solitaire,
    Et qu'on le voit toujours dans un bois écarté.
    Mais si quelqu'un savait comme il est tourmenté,
    Il plaindrait le destin qui lui est si contraire.

    S'il cherche pour demeure un sauvage repaire,
    Le silence, l'horreur, l'ombre, l'obscurité,
    C'est que le beau soleil qui cause sa clarté
    Luit ailleurs, le...

  • Deux femmes aujourd'hui me donnent espérance
    De vaincre la rigueur de mon amoureux sort,
    L'une est ma belle dame où Amour tient son fort,
    La seconde Atropos qui notre fin avance.

    Deux puissants Dieux aussi me donnent assurance
    De porter à mon mal quelque peu de confort,
    Amour est le premier, le second est la Mort,
    D'où j'attends ou plaisir ou fin...

  • Sentir d'un feu brûlant l'extrême violence
    Sans qu'une mer de pleurs le puisse modérer,
    Plus on souffre de mal pouvoir moins soupirer,
    Et celer dans le coeur ce qui plus vous offense.

    Mourir près d'un sujet, languir en son absence,
    Tantôt rougir, pâlir, craindre et désespérer,
    Et voir un autre amant votre bien désirer,
    Et tirer devant vous faveur...

  • Sous les ombres du bois, au bord d'une fontaine,
    Passant et ma tristesse et la chaleur des jours,
    Je trouvai la beauté cause de mes amours
    Qui me fit dans le coeur une plaie inhumaine.

    Par ce prompt accident, je vois ma mort prochaine,
    Je vois ma mort prochaine, éloigné de secours,
    D'autant que les rochers et les arbres sont sourds,
    Et que rien ne...

  • Obscur vallon, montagne sourcilleuse
    Qui vers Phoebus tient opposé le dos,
    Nuit solitaire, hôtesse du repos,
    Démons voisins de l'onde stygieuse,

    Rocher pierreux, et vous caverne hideuse
    Où les lions et les ours sont enclos,
    Hiboux, corbeaux, augures d'Atropos,
    Le seul objet d'une âme malheureuse,

    Triste désert du monde abandonné,
    Je...

  • Or que la nuit et le silence
    Donnent place à la violence
    Des tristes accents de ma voix,
    Sortez, mes plaintes désolées,
    Étonnez parmi ces vallées
    Les eaux, les rochers et les bois !

    Je viens sous la fraîcheur de l'ombre
    Pour augmenter l'amoureux nombre
    De ceux que j'y vois transformés,
    Blâmant le sujet de ma peine,
    Qui pour...

  • J'étais en liberté quand celle qui m'engage
    Dessous un voile blanc me cachait ses beaux yeux,
    Mais las ! c'était en vain, car l'épais d'un nuage
    Ne le saurait cacher comme l'astre des cieux.

    Puis opposant ma vue à ses rais gracieux,
    Je la suivais partout sans prévoir mon dommage.
    Je lui fis déplaisir d'être si curieux,
    Elle de me blesser m'en fit...

  • Je suis le triste oiseau de la nuit solitaire,
    Qui fuit sa même espèce et la clarté du jour,
    De nouveau transformé par la rigueur d'Amour,
    Pour annoncer l'augure au malheureux vulgaire.

    J'apprends à ces rochers mon tourment ordinaire,
    Ces rochers plus secrets où je fais mon séjour.
    Quand j'achève ma plainte, Écho parle à son tour,
    Tant que le jour...

  • Ô toi qui fais séjour, orgueilleuse Sirène,
    Sur l'océan des pleurs des plus fermes amants,
    Qui fais briser ma nef sur des rochers d'aimant
    Où mon espoir flatteur me conduit et me mène,

    Hé ! verrai-je sans fin une espérance vaine
    Tromper mes tristes jours qui se vont consommant,
    Ne verrai-je jamais du repos à ma peine
    Près de vos yeux qui vont mes...