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    Je rêve, et la pâle rosée
    Dans les plaines perle sans bruit,
    Sur le duvet des fleurs posée
    Par la main fraîche de la nuit.

    D’où viennent ces tremblantes gouttes ?
    Il ne pleut pas, le temps est clair ;
    C’est qu’avant de se...

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    Inventeur de la roue, inconnu demi-dieu,
    Qui le premier, ployant un souple et ferme érable,
    Créas cette œuvre antique, œuvre à jamais durable,
    Ce beau cercle qui porte un astre en son milieu !

    Par Orphée et par toi, par la lyre et l’essieu,
    L’espace aux marbres lourds n’est plus infranchissable,
    Et nous voyons glisser comme l’eau sur le sable
    ...

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    Pascal ! pour mon salut à quel dieu dois-je croire ?
    — Tu doutes ? crois au mien, c’est le moins hasardeux,
    Il est ou non : forcé d’avouer l’un des deux,
    Parie. A l’infini court la rouge ou la noire.

    Tu risques le plaisir pour l’immortelle gloire ;
    Contre l’éternité, le plus grand des enjeux,
    N’exposer qu’une vie est certe avantageux :
    La pius...

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    Je veux lui dire quelque chose,
              Je ne peux pas ;
    Le mot dirait plus que je n’ose,
              Même tout bas.

    D’où vient que je suis plus timide
              Que je n’étais ?
    Il faut parler, je m’y décide…
              Et je me tais.

    Les aveux m’ont paru moins graves
              A dix-huit ans ;
    Mes lèvres ne sont plus si...

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    Vous êtes ignorants comme moi, plus encore,
    Innombrables soleils ! La raison de vos lois
    Vous échappe, et, soumis, vous prodiguez sans choix
    Les vibrantes clartés dont l’abîme se dore.

    Tu ne sais rien non plus, rose qui viens d’éclore,
    Et vous ne savez rien, zéphyrs, fleuves et bois !
    Et le monde invisible et celui que je vois
    Ne savent rien d...

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    Ils m’ont dit : « Le secret est la marque des forts :
    Tu n’as pas respecté la peine de ta vie,
    Tu ne l’as point aux yeux stoïquement ravie. »
    Ah ! combien mes aveux m’ont coûté plus d’efforts !

    Pour sauver une forme éphémère et chérie,
    Le profane embaumeur, troublé, mais sans remords,
    Plongeant sa main hardie aux entrailles des morts,
    Y dépose...

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    Dans les serres silencieuses
    Où l’hiver invite à s’asseoir,
    Sous un jour blême comme un soir
    Fument les plantes précieuses.

    L’une, raide, élançant tout droit
    Sa tige aux longues feuilles sèches,
    Darde au plafond, comme des flèches,
    Les pointes d’un calice étroit.

    Une autre, géante à chair grasse,
    Que hérissent de durs piquants,...

  • Le bonheur suit sa pente et rit
    Sans témoins, comme un ruisseau coule :
    Celui qu’une amante chérit
    N’en parle jamais à la foule.

    Ô bruit connu d’un léger pas,
    Clair baiser d’une bouche rose,
    Soupir qui ne se note pas,
    Accent...

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    Je passerai l’été dans l’herbe, sur le dos,
    La nuque dans les mains, les paupières mi-closes,
    Sans mêler un soupir à l’haleine des roses
    Ni troubler le sommeil léger des clairs échos.

    Sans peur je livrerai mon sang, ma chair, mes os,
    Mon être, au cours de l’heure et des métamorphoses,
    Calme et laissant la foule innombrable des causes
    Dans l’...

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    On dit que les désirs des mères
    Pendant qu’elles portent l’enfant,
    Fussent-ils d’étranges chimères,
    Le marquent d’un signe vivant ;

    Que ce stigmate est une image
    De l’objet qu’elles ont rêvé,
    Qu’il croît et s’incruste avec l’âge,
    Qu’il ne peut pas être lavé !

    Et le vœu, bizarre ou sublime,
    Formé dès avant le berceau,
    Comme...