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    Comme un verre intact, avant l’heure
    Où le remplira l’échanson,
    Au plus léger coup qui l’effleure
    Vibre d’un sonore frisson,

    Mais pour la fugitive atteinte
    N’a plus de soupir cristallin,
    Et ne tressaille ni ne tinte
    Sans aucun heurt dès qu’il est plein,

    Le jeune cœur, vivant calice,
    Frémit plaintif au moindre appel,
    Avant...

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    En ce temps-là, je me rappelle
    Que je ne pouvais concevoir
    Pourquoi, se pouvant faire belle,
    Ma mère était toujours en noir.

    Quand s’ouvrait le bahut plein d’ombre,
    J’éprouvais un vague souci
    De voir près d’une robe sombre
    Pendre un long voile sombre aussi.

    Le linge, radieux naguère,
    D’un feston noir était ourlé :
    Tout ce qu...

  • On voit dans les sombres écoles
    Des petits qui pleurent toujours ;
    Les autres font leurs cabrioles,
    Eux, ils restent au fond des cours.

    Leurs blouses sont très bien tirées,
    Leurs pantalons en bon état,
    Leurs chaussures toujours cirées ;
    Ils ont l’air sage et délicat.

    Les forts les appellent des filles,
    Et les malins des innocents :
    ...

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    Je voudrais bien prier, je suis plein de soupirs !
    Ma cruelle raison veut que je les contienne.
    Ni les vœux suppliants d’une mère chrétienne,
    Ni l’exemple des saints, ni le sang des martyrs,

    Ni mon besoin d’aimer, ni mes grands repentirs,
    Ni mes pleurs, n’obtiendront que la foi me revienne.
    C’est une angoisse impie et sainte que la mienne :
    ...

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    Ah ! Si vous saviez comme on pleure
    De vivre seul et sans foyers,
    Quelquefois devant ma demeure
            Vous passeriez.

    Si vous saviez ce que fait naître
    Dans l’âme triste un pur regard,
    Vous regarderiez ma fenêtre
            Comme au hasard.

    Si vous saviez quel baume apporte
    Au cœur la présence d’un cœur,
    Vous vous assoiriez...

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    Toi qui fleuris ce que tu touches,
    Qui, dans les bois, aux vieilles souches
              Rends la vigueur,
    Le sourire à toutes les bouches,
              La vie au cœur ;

    Qui changes la boue en prairies,
    Sèmes d’or et de pierreries
              Tous les haillons,
    Et jusqu’au seuil des boucheries
              Mets des rayons !

    Ô printemps...

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    Ce beau printemps qui vient de naître,
    À peine goûté va finir ;
    Nul de nous n’en fera connaître
    La grâce aux peuples à venir.

    Nous n’osons plus parler des roses :
    Quand nous les chantons, on en rit ;
    Car des plus adorables...

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    Beauté qui rends pareils à des temples les corps,
    Es-tu donc à ce point par les dieux conspuée
    De descendre du ciel sur la prostituée,
    De prêter ta splendeur vivante à des cœurs morts ?

    Faite pour revêtir les cœurs chastes et forts,
    D’habitants à ta taille es-tu si dénuée ?
    Et quelle esclave es-tu pour t’être habituée,
    Souriante, à masquer l’...

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    Elle part, mais je veux, à mon amour fidèle,
    La garder tout entière en un pieux portrait,
    Portrait naïf où rien ne me sera soustrait
    Des grâces, des défauts, chers aussi, du modèle.

    Arrière les pinceaux ! sur la toile cruelle
    Le profane idéal du peintre sourirait :
    C’est elle que je veux, c’est elle trait pour trait,
    Belle d’une beauté que...

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    Oui, je sais qu’elle est la plus belle,
    La reine du bal, je le sais ;
    Mais je suis un vaincu rebelle,
    Je ne la servirai jamais.

    Que pour la contempler en face,
    Patient, j’attende mon tour,
    Et qu’humblement je prenne place
    Au long défilé de sa cour !

    Qu’après mille autres je murmure
    Mon hommage à sa royauté,
    Quelque fadeur,...